Remarques : 1. Vous pourrez utiliser avantageusement le sommaire ci-contre, par exemple pour aller directement à la conclusion !
Qu’est-ce qu’Erscia ?
ERSCIA France (Énergies renouvelables et sciages de France) est une S.A.S. au capital de 100 000 € enregistrée le 30/11/2010 au RCS de la Nièvre avec pour principale activité : la production d’électricité [1]. Selon le rapport CGAAER n°11082 d’octobre 2011 [2], le montage juridique de son investissement repose sur plusieurs holdings, avec des participations croisées.
ERSCIA est une filiale de Wood Energy SA, une société au capital de 2 665 000 € créée le 30 octobre 2009 et basée au Luxembourg. Laquelle est elle-même détenue par deux sociétés :
- JOST INVEST, une société d’investissement et de prêt immobilier également basée au Luxembourg et détenue à 100% par Mr Rolland JOST. Lequel possède également JOST GROUP, l’une des plus grosses sociétés européennes de transport routier ;
- SATRAC, une société spécialisée dans le bois, basée en Belgique et détenue à 75% par Rolland JOST et 25% par Josef HAAS, actionnaire de sociétés immobilières et de consulting. Ses filiales, IBH (Allemagne), IBV et REITHO (Belgique) étaient gérées par Josef HAAS qui était aussi présent dans le commerce du bois avec la société WTT, basée au Luxembourg.
Bois énergie et bois d’œuvre
ERSCIA se positionnait à la fois sur le marché de l’énergie dite « renouvelable », dont la rentabilité est garantie par l’Europe [3] et celui du bois d’œuvre. Avec un investissement de 148 millions dʼeuros dont une part conséquente de fonds publics [4], l’activité de l’usine aurait généré à terme 126 emplois directs, 285 indirects et 206 induits [5] autour de trois composantes industrielles aménagées sur une surface de 61 hectares :
- Une centrale de cogénération [6] d’une puissance thermique de 53,4 MWth et électrique de 12 MWe [7] aurait vendu à ERDF [8] sa production annuelle de 96000 MW h [9] à un prix environ trois fois supérieur [10] au prix de rachat de l’électricité consommée par ERSCIA [11]. Pour pouvoir fonctionner, cette centrale aurait été alimentée par deux catégories différentes de combustibles :
- 25% minimum de déchets de bois naturel, assimilable à de la biomasse ;
- 75% maximum de déchets de bois « usé », non assimilable à de la biomasse [12] ;
- Une usine de pellets (granulés de bois), dont la production annuelle de 250 000 tonnes de biocombustibles aurait été vendue à la société Electrabel (filiale du groupe GDF Suez), laquelle aurait produit à son tour de l’électricité « verte »... financée également par l’Etat belge par le système du certificat vert [13] ;
- Une scierie industrielle de résineux : ERSCIA annonçait une capacité de sciage de 500 000 m³ de grumes/an en 2020, pour une production de 281 500 m³/an de bois d’œuvre, positionnée sur les marchés de la construction et de l’emballage. Le projet mettait en avant le fait qu’une partie des déchets de la scierie aurait été « valorisée » dans la centrale électrothermique. Laquelle, par le principe de la cogénération, aurait fourni la chaleur nécessaire aux chambres de séchage, d’une capacité de 100 000 m³/an.
Site d’implantation : Bois du Tronçay
Ambitieux, le projet aurait occupé plus de la moitié d’une « Wood Valley », vaste pôle Industriel de 110 hectares qui aurait été implanté en lieu et place de la forêt multiséculaire du Bois du Tronçay [14], au sud de Corbigny, entre Marcilly et Sardy-lès-Épiry (58800 Nièvre, Bourgogne). La partie restante pouvait accueillir une ZA avec des entreprises de seconde transformation complémentaires et non-concurrentes.
Pourquoi ce choix complexe et coûteux plutôt que d’opter pour l’une des zones industrielles déjà existantes du secteur ? Voici la version officielle :
- Le Bois du Tronçay était soit-disant le seul endroit du secteur permettant d’accueillir une zone industrielle de 110 hectares d’un seul tenant ;
- Le site aurait été situé « sur les contreforts de l’un des plus importants massifs forestiers de Douglas en Europe (le Morvan en région Bourgogne dont la disponibilité de résineux passera de 850 000 m3 en 2013 à 1 250 000 m3 en 2040), mais également positionnée à l’épicentre des principaux massifs forestiers français situés entre 200 à 300 km du Morvan (Jura, Vosges, Sologne, Limousin, Massif Central). » ;
- La proximité de la voie ferrée, qu’ERSCIA déclarait vouloir utiliser pour une partie de ses transports.
Mais quand on regarde les choses de plus près, on était en droit de se poser quelques questions :
- En 2009, quand le projet initial d’ERSCIA prévoyait 30 hectares, une dizaine de zones industrielles préexistantes pouvaient l’accueillir. En 2010, pour le même projet, il lui faut le double de surface ainsi qu’un espace attenant d’une cinquantaine d’hectares pour l’installation de prétendues entreprises complémentaires : curieusement, cela correspond exactement à la superficie bois du Tronçay, acquis récemment à grand frais par la Communauté de communes du pays Corbigeois pour accueillir Fruytier, un concurrent d’IBV qui a finalement préféré s’installer en Côte-d’Or, à La Roche-en-Brenil ;
- La voie d’accès au site est une route départementale limitée par le passage d’un « pont à calèches » à sens prioritaire... sur laquelle les porteurs du projet comptaient faire passer près de 200 camions de 40 tonnes par jour !
- Le site n’était pas viabilisé : le point de branchement au réseau électrique était à 7km ;
- Les autoroutes les plus proches, l’A77 et l’A6, étaient à une soixantaine de kilomètres ;
- Concernant la voie ferrée, la réunion d’information du 3 septembre 2012 organisée par la Préfecture de la Nièvre montrait que sa rénovation n’était pas garantie. Il y avait donc de fortes chances pour qu’ERSCIA, à l’instar des autres sites d’IBV, donne naturellement priorité aux camions de son principal actionnaire, la société JOST, dont la route vers la Belgique passerait... par la vallée du Cousin.
De là à penser que la Communauté de communes du pays Corbigeois cherchait absolument à rentrer dans ses frais...
Précédent : le site de Burtonville
Sur le site web d’ERSCIA, on pouvait lire : « Ce complexe industriel sera la réplique de celui du même Groupe situé à Burtonville (Belgique/Wallonie/Vielsalm) et s’appuiera donc sur sa technologie de pointe et son expérience. » Autrement dit, il suffisait d’un petit voyage pour avoir une idée concrète de ce qui attendait Sardy-lès-Épiry ?
Le zoning de Burtonville, d’un total de 65 hectares, compte d’une part la scierie et usine de cogénération d’IBV sur 37 hectares et d’autre part l’usine de transformation Spanolux.
Naturellement, partisans et opposants au projet y sont allés... et naturellement ils en ont retenu des éléments très différents :
- Le pro-ERSCIA Jean-Paul Magnon (PS), Maire de Corbigny, conseiller général de la Nièvre et Président de la communauté de communes du pays corbigeois et conseiller général de la Nièvre, a rencontré son homologue Élie Deblire (CDH), Bourgmestre de Vielsalm et conseil provincial. Dans l’émission la voix est libre du 18 mai 2013, Monsieur Magnon a surtout insisté sur le fait que la zone industrielle de Burtonville aurait créé 600 emplois autour de la filière bois, après avoir précisé de façon rassurante : « IBV est situé dans une zone rurale très comparable à la nôtre avec autour des forêts, des prairies dans lesquelles on a vu des vaches qui étaient apparemment normales qui mangeaient de l’herbe qui était verte. »
- L’une des associations anti-ERSCIA, Adret Morvan, a réalisé, les 15 et 16 janvier 2013, un reportage avec différents témoignages locaux de personnes qualifiées, dont un exploitant forestier, un entrepreneur de la filière bois (PME), un ancien ingénieur forestier et un conseiller communal de Vielsalm. Ce dernier François Rion (Vert), s’est d’ailleurs engagé dans la politique à cause de ce zoning. Voici les principaux points évoqués :
- Pollution de la rivière, due aussi bien à IBV qu’à Spanolux ;
- Pollution de l’air depuis l’installation du co-générateur... qui pourtant n’était sensé fonctionner qu’au bois assimilable à de la biomasse (bois naturel) ;
- Trafic routier intense sur un réseau non adapté : 450 camions par jour pour l’ensemble de la zone ;
- Aide publiques multipliées pour les divers aménagements du zoning ;
- Atteinte au patrimoine forestier pour la construction d’une déviation : coupe de la forêt séculaire du Grand Bois exploitée en futaie jardinée depuis le début du XXe siècle ;
- Concurrence déloyale et destruction d’emplois : François Rion explique assez clairement comment la concurrence biaisée de groupes comme IBV et Fruytier sur les ressources locales en bois a entraîné la disparition de nombreux exploitants forestiers. En effet, grâce à sa production largement subventionnée d’énergie dite « renouvelable » IBV pouvait se permettre de gagner moins sur le bois d’œuvre. Et il ajoute, au sujet de l’actionnaire principal JOST : « peu importe que la scierie soit rentable pour peu que le transport le soit ». Le témoignage de Jacques Bertemes, administrateur d’une entreprise locale spécialisée dans les poteaux et piquets va dans ce sens : « Il y a une dizaine d’années qu’on comprend que tout était fait pour développer les grosses entreprises, au détriment des petites et moyennes. Or les subventions des grosses entreprises servent malheureusement à l’achat de la matière première. » A cause de cet effet d’enchère sur le bois, il a dû procédé à des licenciements et passer de 23 à 15 salariés en deux ans. Contrairement à ce qui était mis en avant, il n’était pas du tout certain que le bilan entre les emplois détruits et les emplois créés soit positif ;
Pour en savoir plus, nous avons cherché dans les compte-rendus des Conseils communaux de Vielsalm. Celui du 11 juillet 2012 contient une intervention particulièrement intéressante de François Rion au sujet d’un projet d’extension du zoning de Burtonville :
« Quelles seront en définitive les zones réservées à l’accueil de petites entreprises ? Il restera à peine 2 ha et demi pour ces entreprises.
Je suis déçu mais pas autrement surpris, car le zoning est finalement réservé aux grandes entreprises.
Par ailleurs, chaque fois que j’en ai l’occasion, j’évoque la problématique de l’approvisionnement en bois.
L’ASBL Valbois a organisé il y a quelques mois une table ronde d’utilisateurs industriels du bois et des sous-produits du bois. La conclusion en était qu’il n’était pas possible - et c’était avant l’extension de notre zoning ! - de trouver du bois en suffisance pour tous les utilisateurs industriels.
Je vous ai également parlé lors de la dernière séance du Conseil communal d’un tas de cendres illicite formant un remblai sur le zoning. Il peut être estimé entre 60 et 80.000 m³ [15] auxquels il faut ajouter 60 à 80.000 m³ de terres et de déchets de construction.
Pour un marronnier creux à abattre au fond d’une pâture, il faut un permis d’urbanisme et ici, on nous incite à régulariser une situation illégale.
Il y a sans doute de bonnes intentions, mais tout me prouve que les entreprises sur le zoning n’ont pas respecté les prescriptions légales. Il y a des situations aberrantes et illégales depuis le début. Et chaque fois, ce que l’on nous propose, c’est de régulariser.
Ce type de développement industriel est incohérent, sans compter bien sûr l’augmentation du charroi.
Cela n’a rien à voir avec le développement durable et l’option d’un commerce local ! . »
Chronologie d’un conflit
Le climat de défiance qui s’est installé entre les pro-ERSCIA et les anti-ERSCIA ne facilite pas une réflexion sereine sur le fond. Mais le vieux proverbe bourguignon, sorti habilement du chapeau de Jean-Paul Magnon à l’attention des opposants, qui dit que lorsqu’on veut tuer son chien on dit qu’il a la rage, pourrait être poliment retourné.
Car, pour rendre à César ce qui est à César, certaines maladresses des partenaires du projet n’étaient pas étrangères à cette situation délétère : le zèle d’une majorité d’élus à dérouler le tapis rouge au nom de l’emploi, le mutisme d’ERSCIA sur certaines questions apparemment sensibles et la marche forcée de la préfecture de la Nièvre ont progressivement éveillé le soupçon puis l’opposition déterminée de nombreux(ses) citoyen(nes).
- 2007 : FRUYTIER, le scieur belge, a l’intention de s’installer en Bourgogne : pour l’accueillir, la communauté de communes du Pays corbigeois acquiert en toute hâte le site du Bois du Tronçay au prix - apparemment surévalué - de 495196 €. Mais FRUYTIER préfère finalement s’installer à la Roche-en-Brenil (Côte-d’Or). Dépités, les élus engagés se tournent alors vers son principal concurrent, IBV ;
- 2008 : Premières réunions de présentation aux élus : Jean-François Davaut, conseiller municipal de Cervon, constate que le projet qui préfigure ERSCIA était déjà bien engagé et que les élus locaux étaient fortement invités à y être favorables. Il s’étonne surtout de l’« évaluation fluctuante du coût et des surfaces d’aménagement du site » : difficile de savoir au juste combien cela va coûter réellement à la communauté de communes ;
Date | Coût € | Surface de la ZI | Surface de la ZA | Remarques |
---|---|---|---|---|
12/04/08 | 12015815 | 20 ha | 15 ha | Proposé par Fibre active. |
20/02/09 | 6581378 | 30 ha | 20 ha | Concession d’aménagement à la SEM Nièvre aménagement |
08/03/11 | 10000000 | 61 ha | 24,28 ha | Prévision de 15,94 ha supplémentaires à la demande |
01/04/12 | 10418825 | 61 ha | 24,28 ha | Prévision de 15,94 ha supplémentaires à la demande |
- 2009, le 29 septembre : Première présentation officielle du projet ERSCIA France ;
- 2010 à 2011 : Études préparatoires et résumés non techniques ;
- 2011, le 2 novembre : Avis d’ouverture d’enquêtes publiques conjointes par la préfecture de la Nièvre ;
- 2012, le 24 janvier : Rapports et conclusions de la commission d’enquête sur le défrichage, l’aménagement, les travaux au titre des articles de la loi sur l’eau, la construction et l’exploitation : de nombreuses questions de l’association DECAPIVEC restent sans réponse ou gênent visiblement le maître d’ouvrage ;
- 2012, le 14 février : le CNPN donne un premier avis défavorable, « au vu des insuffisances flagrantes du dossier ». Par exemple, l’expert délégué s’étonne que la compensation des 100 ha de forêt mature sacrifiés par le projet se résume à une proposition d’acquisition, par le Conseil général de la Nièvre, de terrains déboisés qui ne seront pas replantés ;
- 2012, le 21 mars : Sans tenir compte cet avis défavorable du CNPN, la préfecture de la Nièvre publie une série d’arrêtés pour donner son feu vert. Résultat des courses ? En plus des associations DECAPIVEC [16] et Loire vivante Nièvre-Allier-Cher, un collectif des habitants de Marcilly est créé. Ces trois entités font des requêtes au Tribunal administratif de Dijon pour demander la suspension de l’arrêté d’autorisation de défrichement (n°2012004) ainsi que celui portant dérogation à l’interdiction de destruction, altération, dégradation de sites de reproduction ou d’aires de repos d’animaux et de transport d’espèce animales protégées (n°2012081-0002) ;
- 2012, Juin : Création d’Adret Morvan, une nouvelle association opposante.
- 2012, le 19 juin : Le juge des référés ordonne le maintien de l’arrêté autorisant le défrichement, mais suspend la dérogation à l’interdiction de destruction (etc...) par l’ordonnance n°1201087.
- 2012, le 10 juillet : La préfecture retire l’arrêté suspendu et le remplace aussitôt par un autre (n°2012192-0001)... qui mentionne cette fois les raisons d’intérêt public majeur... et qui fait à nouveau l’objet d’une requête de suspension au Tribunal administratif de Dijon par les mêmes associations et le collectif de Marcilly ;
- 2012, le 13 juillet : Première manifestation d’Adret Morvan à la Maison du Parc naturel régional lors de la signature de la charte forestière par des élus... dont certains ne semblent pas avoir vu les incohérences flagrantes entre les objectifs stratégiques de cette charte et le projet ERSCIA [17]. Adret Morvan interpelle le préfet et le député de la Nièvre, Christian Paul qui promettent « une réunion d’information ».
- 2012, Juillet : Lassés de ne pas être pris au sérieux quand ils contestent les 0,22 ha de zone humide mentionnés dans le rapport ICPE, les opposants mandatent un huissier qui constate - en plein été - une zone humide de 6 hectares dans le Bois de Tronçay. Soit 27 x le chiffre indiqué et 13 x les 0,44 ha de mesures compensatoires prévus dans l’arrêté !
- 2012, le 3 septembre : Jour de la réunion d’information promise par le préfet et Christian Paul pour satisfaire les interrogations d’Adret Morvan. D’après cette dernière, l’équipe d’ERSCIA aurait refusé de répondre à de nombreuses questions. Mais point positif : le préfet promet de ne pas engager les travaux avant la décision du juge et surtout d’attendre le jugement sur le fond si le deuxième arrêté était à nouveau suspendu (c’est à dire à ne pas le retirer pour en sortir un 3e).
- 2012, le 2 octobre : Le juge des référés suspend le deuxième arrêté (n°2012192-0001) par l’ordonnance n°1201906 considérant d’une part que les éléments du dossier relatifs à l’étude d’autre solution satisfaisante et au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle étaient insuffisants et d’autre part que les raisons impératives d’intérêt public majeur qui justifieraient l’arrêté litigieux n’étaient pas suffisamment démontrées.
- 2012, le 10 octobre : Le 10 octobre 2012, les associations Loire vivante et DECAPIVEC déposent auprès du parlement européen une pétition relative au projet de la création de la zone industrielle de Sardy [18]. La pétition est jugée recevable par la commission des pétitions, dont fait partie Sandrine_Bélier : l’eurodéputée EELV de la région a par ailleurs accompagné la démarche ;
- 2012, le 17 octobre : La SEM Nièvre aménagement fait un pourvoi au Conseil d’État pour annuler cette décision du juge qui l’empêche de commencer les travaux ;
- 2012, le 5 décembre : La Mairie organise une réunion « de soutien » à ERSCIA après en avoir organisé une autre avec les commerçants. Tout débat contradictoire reste exclu.
- 2012, le 24 décembre : Le Conseil d’État rejette le pourvoi de la SEM Nièvre aménagement : l’arrêté n°2012192-0001 reste donc suspendu, empêchant le démarrage des travaux.
- 2013, le 14 janvier : le CNPN donne un deuxième avis défavorable, à cette différence près que l’appréciation du dossier a été cette fois-ci très partagée (4 voix pour, 6 voix contre et 4 abstentions). La commission a noté le renforcement des mesures de compensation, mais estime trop longue la durée de 10 ans prévue pour l’acquisition des boisements ou terrains à boiser.
- 2013, les 15 et 16 janvier : Adret Morvan part en voyage sur le site d’IBV, à Burtonville (commune de Vielsalm) ou elle réalise un reportage avec plusieurs témoignages dont un conseiller communal, un exploitant forestier, un entrepreneur de la filière bois (PME) et un ancien ingénieur forestier.
- 2013, le 4 février : Date charnière dans le durcissement du conflit : la nouvelle préfète retire le 2e arrêté (n°2012192-0001) et le remplace par un 3e (n°2013031-0001)... qui ne sera rendu public sur le site de la préfecture que le lundi 4 à 10h. Le jour même, sous la protection de 70 gendarmes mobiles, 1/2 hectare de forêt dans le Bois du Tronçay sera abattu par la SEM Nièvre Aménagement. Coup de Trafalgar réussi : la cinquantaine de personnes mobilisées au pied levé ne fera pas le poids pour empêcher le bûcheronnage.
- 2013, le 5 février : Résultat des courses ? Les opposants au projet se sentent trahis, bafoués. La confiance est définitivement rompue. Pour ne plus être pris en traîtres, ils décident d’occuper le terrain jusqu’à l’arrêt du projet.
- 2013, le 6 février : Premières constructions sur le pré de la justice avec l’autorisation du propriétaire et création « officielle » de la ZAD.
- 2013, le 27 février : Le tribunal administratif de Dijon suspend le 3e arrêté (n°2013031-0001) par l’ordonnance n°1300303. Le juge des référés considère cette fois-ci que le projet présente un intérêt public incontestable du moins au niveau de l’emploi. Mais, il maintient que les « raisons impératives d’intérêt public majeur » exigées par l’article L. 411-2 du code de l’environnement pour la dérogation à l’interdiction de destruction (etc...) n’étaient pas strictement réunies.
- 2013, le 14 et 29 mars : Cette fois-ci, trois pourvois étaient transmis au Conseil d’État pour annuler l’ordonnance n°1300303 du 27 février 2013 :
- celui de la SEM Nièvre Aménagement ;
- celui de la société ERSCIA France ;
- mais, le plus remarquable, celui de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie !
- 2013, le 29 mars : À l’unanimité, les conseillers généraux approuvent la motion proposée par Pascal Reuillad (PC) qui demande à l’État d’organiser une table ronde sur le projet d’Erscia « associant, en toute transparence et dans le cadre d’un dialogue respectueux, contradictoire et constructif, l’ensemble des personnes intéressées ». [19] »
- 2013, le 12 avril : Le Président de la FNB écrit au ministre de l’Agriculture. Dans cette correspondance privée - qui n’est devenue publique que par une fuite externe à la FNB - il comprend en substance que la dimension du projet fasse "rêver" les élus locaux... MAIS exprime des réserves sur les trois points suivants :
- Problème de transparence, particulièrement en ce qui concerne le plan d’approvisionnement et sa fiabilités, étudiées en janvier 2012 par un document du CGAER resté confidentiel [1] ;
- Problèmes d’adéquation, dans la zone d’approvisionnement d’ERSCIA, entre la ressource disponible en bois résineux et les besoins des outils industriels en place à horizon de 20 ans :
- si le rapport de l’Institut technologique FCBA (Forêt Cellulose Bois construction Ameublement) démontre une disponibilité réelle en bois, elle est nettement inférieure aux besoins d’ERSCIA ;
- par conséquent, ERSCIA menace les entreprises et les emplois en place sur cette zone, qui couvre huit régions ;
- Problème d’équilibre économique et de bilan écologique de la partie industrie :
- Équilibre économique reposant sur un « butinage fiscal » « immoral et socialement inconcevable » : cumul d’aides en France et en Belgique ayant le même objet ;
- Si le rendement énergétique de la centrale de cogénération d’ERSCIA sera « vertueux » (80%), ce n’était pas le cas pour les centrales d’Électrabel qui auraient acheté les pellets (30% seulement).
- 2013, le 29 avril : la Commission des pétitions du Parlement européen juge recevable une pétition déposée par les associations Loire Vivante et DECAVIPEC qui s’opposent au projet de pôle industriel de sciage à Sardy-lès-Epiry, en Bourgogne ;
- 2013, le 1er mai : Le comité de soutien au projet industriel ERSCIA organise à Corbigny une manifestation qui réunit environ 350 personnes [20].
- 2013, le 18 mai : Enfin un débat médiatique : l’émission de France 3 Bourgogne « La voix est libre » réunit sur son plateau Jean-Paul Magnon (Maire PS de Corbigny, Président de la communauté de communes du pays Corbigeois et conseiller général de la Nièvre), M. Petitrenaud (membre de la Fédération nationale du bois) et Jérôme Bognard (association ADRET MORVAN).
- 2013, le 20 Mai : Adret Morvan est allée à la rencontre d’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, lors de sa traditionnelle ascension du Mont Beuvray. Au bout d’une heure de marche et de protestations, le ministre a fini par promettre une réunion de travail au ministère, en juin 2013 ;
- 2013, le 7 juin La député européenne Sandrine Bélier (EELV) rencontre les associations qui s’opposent au projet Erscia sur le site du bois du Tronçay [21] ;
- 2013, le 3 octobre : Pascal Jacob démissionne de ses fonctions de directeur général d’ERSCIA France [22] ;
- 2013, le 9 octobre : Le Conseil d’État rejette les pourvois de la SEM Nièvre environnement, d’ERSCIA France et de la ministre de l’écologie enregistrés en mars 2013, en considérant que si le projet présente un « intérêt public incontestable », il ne justifie pas pour autant de « raisons impératives d’intérêt public majeur » et ne constitue pas « un cas exceptionnel dont la réalisation se révélerait indispensable ». La grande nouveauté c’est que le Conseil d’État contrecarre pour la première fois un projet de politique publique. [23]
- Mardi 14 avril 2015, le tribunal administratif rend le jugement qui met un point final à ERSCIA, en annulant les deux derniers arrêtés préfectoraux
Enjeux et problématiques
1. Énergies renouvelables & bois énergie
Le bois énergie ou énergie de biomasse fait partie du programme européen de promotion des EnR [24], qui fixe par directives successives [25] les objectifs à atteindre en pourcentage de consommation d’énergie finale brute. Les énergies dites « renouvelables » [26] sont des énergies primaires, supposées inépuisables à très long terme, issues directement de phénomènes naturels, réguliers ou constants, liés à l’énergie du soleil, de la terre ou de la gravitation. Quelques exemples :
- L’énergie hydroélectrique
- L’énergie éolienne
- L’énergie de biomasse
- L’énergie solaire
- La géothermie
- Les énergies marines
L’enjeu est double : remplacer les énergies épuisables issues de sources fossiles tout en ayant un meilleur bilan carbone (moins de production de CO2). On demande donc aux EnR d’être à la fois renouvelables et « propres »...
Selon les états membres, les systèmes d’incitation sont différents. Pour l’électricité, la France a mis en place un tarif de rachat obligatoire dont les tarifs du kW varient selon les conditions de production (le rendement était pris en compte), tandis que la Belgique a choisi le certificat vert.
A ce titre, le projet de centrale électrothermique d’ERSCIA France était vraiment exemplaire, puisqu’il annonçait un taux de rendement de 80 à 90% : grâce à un système de cogénération perfectionné, il aurait réutilisé la plus grande partie des pertes thermiques comme source de chaleur directe pour les séchoirs de la scierie et les bâtiments de la Wood Valley. MAIS il y avait deux problèmes :
- Le premier problème, c’est que la deuxième composante énergie renouvelable d’ERSCIA avait l’intention de vendre ses pellets en Belgique... à des centrales comme celle d’Electrabel, sans systèmes de cogénération et dont les pertes thermiques atteignent presque 70%.
- Le deuxième problème, c’est que le bilan carbone du transport de ces pellets vers la Belgique, qui risquait fort de passer par la route (vous savez, à travers le territoire de la vallée du Cousin), aurait été désastreux.
Au final, l’énergie était peut-être en partie « verte » au départ, mais elle ne l’était certainement plus à l’arrivée : les termes d’écoblanchiment ou de greenwashing étaient parfaitement appropriés.
La vidéo ci-dessous, publié le 30 mars 2013, explique parfaitement le problème en prenant pour exemple la centrale des Awirs (Electrabel) :
- consommation annuelle : 400 000 tonnes de pellets (dont 1/3 importés de très loin... parfois même des USA) ;
- rendement faible : 34% seulement ;
- gain annuel en certificats verts : 29 000 000 Euros par an.
Utiliser des pellets pour produire de l’électricité peut s’avérer coûteux - from valleeducousin.fr on Vimeo.
Mais il y a une autre limite, encore plus insidieuse, au système actuel de promotion des énergies biomasses : les subventions sont tellement incitatives... que certaines entreprises n’hésitent pas à alimenter leurs centrales avec du bois d’œuvre ! Citons à ce propos une intervention de Jacques Gennen, conseiller communal de Vielsalm [27] :
J’ai souvent trouvé les propos de François Rion excessifs mais tout n’est pas à jeter dans ce qu’il dit. J’ai déjà dénoncé moi aussi l’utilisation excessive de sous-produits du bois et même du bois d’œuvre pour la production d’énergie ou de pellets.
Consciente de ces différents problèmes, la commission européenne prépare des changements de politique énergétique : un communiqué de presse du 5 novembre 2013 annonce de nouvelles orientations concernant l’intervention publique dans le secteur de l’électricité.
Mais, pour rebondir sur l’enjeu de la forêt, revenons au bois énergie en citant notre Maire Jean-Yves CAULLET, dans son rapport au premier ministre de juin 2013 intitulé « Bois & Forêts de France : Nouveaux défis » :
La nécessaire transition énergétique conduit à reconsidérer la forêt comme une ressource d’énergie renouvelable, soit pour le chauffage soit pour la production d’énergie. De nouveaux acteurs apparaissent, souvent sans lien avec les acteurs en place, et des difficultés sont à venir si l’on ne se dote pas de régulations adaptées. Le plus probable est, en effet, faute de régulation, une légère tension sur les prix entraînant une intensification de la pression sur la ressource, et des pratiques sylvicoles non-durables. (...)
Ce serait un grave paradoxe, que l’utilisation d’une énergie, en principe renouvelable, pour lutter contre les effets climatiques néfastes des énergies fossiles, aboutisse à un affaiblissement de l’efficacité de la forêt au bénéfice du climat... en portant atteinte au caractère renouvelable de la dite ressource.
A titre d’exemple de la réalité de cette question, un industriel du bois finlandais se dit intéressé par l’achat de forêts en France (sans doute a-t-il entendu parler d’une ressource disponible non exploitée...), pour exporter vers la Finlande du bois déchiqueté à destination de projet de valorisation énergétique !
L’importation de bois énergie dans une puissance forestière comme la Finlande en dit long sur la concurrence entre usages du bois et les conséquences à terme d’un tel marché non régulé.
Mais, sans doute, cet industriel ne se comporte-t-il pas autrement que les industriels de l’énergie attirés vers l’exploitation d’une forêt dont ils ignoraient jusqu’alors l’existence, par les appels à projet CRE et les financements publics de l’ADEME....
2. Forêts : ressources et avenir
Les objectifs de la troisième « Charte forestière du Morvan » [28] semblent pour le moins incompatibles avec un projet de type ERSCIA :
L’enjeu central de la stratégie locale pour le développement forestier en Morvan est désormais d’assurer la pérennité de la ressource forestière morvandelle dans sa diversité. Cette stratégie se construit autour de 4 objectifs, interdépendants et donc indissociables :
- Diversifier les itinéraires sylvicoles et anticiper les changements climatiques ;
- Privilégier la production locale de valeur ajoutée à la quantité des volumes exploités ;
- Concilier l’exploitation forestière et les autres usages ;
- Développer durablement les potentialités de valorisation du bois énergie.
Or, comme ERSCIA France comptait s’approvisionner, du moins pour une bonne part, dans les forêts du Morvan, la question de sa compatibilité avec les objectifs de la Charte était tout à fait légitime. D’autant que les valeurs nominatives de capacité de sciage et de production annoncées pour 2020 auraient exigé de fortes ressources en bois :
- Rappel des entrées annoncées :
- 500 000 m³/an de résineux sous écorce, soit environ 570000 m³/an sur écorce ;
- Bois usé pour la centrale (jusqu’à 75%)
- Sorties annoncées :
- 281 500 m³/an de bois d’œuvre ;
- 250 000 tonnes/an de pellets secs qui auraient nécessité 500 000 tonnes/an de sciure (cette dernière contenant 50% d’eau). Autrement dit, plus que les quantités de bois entrantes annoncées (en tenant compte bien-sûr de la masse volumique)... et qu’il faut certainement majorer.
Les résultats des dernières campagnes (2005-2009) de Inventaire forestier national (IFN), indiquent que la Bourgogne présente un taux de boisement de 31% dont 80% de feuillus.
Le rapport de l’Institut technologique FCBA du 2 mai 2011, intitulé « Étude sur la ressource résineuse en Bourgogne parle d’une chute de disponibilité à l’horizon 2025 » précise :
Le massif bourguignon peut assurer l’approvisionnement pérenne des industries du sciage résineux pour un volume de l’ordre de 1 à 1,1 million de m³/an de bois d’œuvre résineux.
A court terme, il peut fournir jusqu’à 1,8 million de m³/an avec des coupes massivement anticipées de sapin-épicéa ; mais toute récolte anticipée entrainera une diminution correspondante de la disponibilité dix ou vingt ans plus tard.(...)
Si donc l’installation d’une ou plusieurs unités de transformation de bois d’œuvre résineux était possible dans l’immédiat, leur survie à l’horizon 2025 sera d’autant plus problématique que la récolte aura été intensive dans les années précédentes.
En réalité, ces ressources étaient déjà fortement convoitées par les entreprises en places, parmi lesquelles ont peu citer :
- Bois et sciages de Sougy (Nièvre), créée il y a plus de 20 ans et modernisée récemment pour traiter 400 000 m³ au moins de Douglas par an ;
- Forêt et Sciage d’Autun (Saône-et-Loire), créée en 2009 et traitant actuellement 30 000 m³ de grumes résineuses par an, mais qui devrait passer à 60 000m3 au minimum dans les prochaines années ;
- Fruytier-Bourgogne (concurrent belge d’IBV) implantée à la Roche en Brenil, près de Saulieu (Côte d’Or), dont l’activité démarre actuellement, pour atteindre dans un premier temps au moins 200 000 m³ et à terme 500 000 m³ de grumes résineuses par an.
Le rapport CGAAER N°11082 d’octobre 2012 [1], relatif à la ressource disponible et aux conditions d’approvisionnement des unités de transformation des bois résineux en Bourgogne, confirme cette tension sur la ressource :
Malgré des superficies importantes en douglas, la forêt résineuse bourguignonne ne peut suffire à terme à approvisionner de nouvelles usines. Aujourd’hui même on constate des flux sur de grandes distances et certaines opérateurs régionaux vont chercher du bois dans le sud du Massif Central (par exemple Bois et Sciages de Sougy). La montée en puissance prochaine de Fruytier, qui ne devrait cependant pas déstabiliser les conditions locales d’approvisionnement, accentuera le problème.
Dans ce contexte tendu, le nouveau complexe intégré d’ERSCIA devra s’approvisionner de manière régulière dans un bassin de 300km de rayon, ainsi que l’envisage le porteur de projet.
C’est la raison pour laquelle la DRAAF avait commandé un autre rapport à l’Institut technologique FCBA, daté de novembre 2011 et intitulé « Disponibilité forestière en bois d’œuvre résineux en Bourgogne et dans les régions voisines ». L’étude épluche méthodiquement les ressources sur cette zone d’approvisionnement pour les 20 années à venir, selon différentes hypothèses et en tenant compte des récoltes moyennes enregistrées avant le démarrage d’activité de Fruytier.
Cette synthèse visuelle des conclusions du rapport interrégional FCBA montre clairement que la moyenne annuelle des disponibilités supplémentaires en résineux sont au plus juste : il ne faut pas oublier que les prélèvements de Fruytier, nouvellement arrivé, n’étaient pas pris en compte. En regardant le verre à moitié plein et en se disant que la fabrication des pellets pourrait intégrer du feuillu, on pourrait dire qu’il y aura peut-être juste assez de bois dans un horizon de 15 à 20 ans.
Et encore, comme le souligne le fameux rapport confidentiel CGAAER N°11082 [1] : « Les études de ressources et de disponibilité ne prennent en compte ni Natura 2000, ni le morcellement de la propriété privée, qui est très accentué dans le Massif Central, ni la qualité des bois et leur adéquation aux filières de transformation. »
Enfin, les scieries industrielles boulimiques de type ERSCIA ou FRUYTIER, vont encourager la production mono-spécifique de bois résineux de petit diamètre sur des cycles courts, dit Canter [29], totalement incompatible avec la vision de la Charte forestière du Morvan. Vision parfaitement illustrée par Philippe Canal, employé de l’Office national des forêts (ONF), dans un article de Rue89 [30] :
A l’heure où les forêts françaises sont en train d’être vues comme des usines dotées d’un combustible, on ne va pas pouvoir tout demander à la forêt.
Les services rendus par la forêt sont aussi l’eau, la fertilité des sols, la biodiversité, tout cela n’est pas compatible avec une vision industrielle de la forêt. Un douglas puise dans le sol pendant 60 ans, puis l’enrichit, si on coupe à 45 ans, il l’aura appauvri.
3. Développement : économie & emploi
L’idée de développement évoque a priori quelque chose de « bien ». En réalité, il y a plusieurs types de développement : développement local, développement économique, développement humain... Et comme le dit François Rion, certains types de développement peuvent nuire à d’autres.
Toujours est-il qu’en politique, « développement » est un mot fédérateur à côté duquel on ne peut pas passer. Surtout en période de crise et quand il y a des emplois annoncés. Pour se donner une idée de la triste situation de la Nièvre, voici quelques éléments du diagnostic de l’INSEE, La Nièvre en bref :
Un niveau de revenu inférieur à la moyenne régionale En 2009, les salariés de la Nièvre ont perçu près de 1,6 milliard d’euros de salaires bruts (hors agriculture, personnel militaire de la défense et emplois domestiques). En 2005, le Produit Intérieur Brut (PIB) s’élève à 4,4 milliards d’euros, soit 0,3 % du PIB métropolitain, le PIB par emploi à 51 100 euros et celui par habitant à 19 800 euros, ce qui situe le département au-dessous de la moyenne métropolitaine. (...) En 2009, 19,8 % de la population de la Nièvre vit avec un bas revenu (foyers allocataires Caf) c’est à dire un revenu inférieur à 942 euros par unité de consommation. Ce taux est supérieur à celui de la moyenne régionale (15,6 %).Sources : Insee, CLAP - Comptes régionaux (en base 2000 ) - Revenus fiscaux localisés des ménages ; DGFIP ; Cnaf - Cnav - CCMSA.
Voici les chiffres de l’étude fantôme qu’ERSCIA prétendait avoir commandé au bureau KPMG [31], pour mettre en avant le potentiel d’employabilité du projet :
- 126 ETP directs ;
- 285 ETP indirects (dans les branches sous-traitantes) ;
- 206 ETP induits (affectés par l’activité d’autres secteurs).
Soit au bas mot 600 emplois annoncés [32]. Qui pouvait être contre cette belle promesse de « développement », à part les terroristes et les dangereux écolos protecteurs de grenouilles ?
« Des emplois, vite Erscia. » ou encore « Les grenouilles d’accord, mais l’humain d’abord » [33] tels étaient les slogans que l’on pouvait lire lors de la manifestation de soutien au projet, organisée le 1er mai 2013 à Corbigny par les différents élus pro-ERSCIA, dont Jean-Paul Magnon et Christian Paul. Lequel, lors de l’émission « La voix est libre » du samedi 16 février 2013, a déclaré : « Nous voulons que la Nièvre en matière forestière sorte d’une économie coloniale où nous produisons de la matière première, notamment des bois résineux, qui pour une part importante étaient transportés souvent très loin et transformés ailleurs. »
La France exporte effectivement de plus en plus son bois en Chine, mais aussi en Malaisie, Indonésie, Vietnam [34], passant parfois par la Belgique. La principale raison étant que les faibles coûts de main d’œuvre des industries de seconde transformation (meubles, panneaux, parquets...) de ces pays, qui apportent une forte « valeur ajoutée ».
Interrogée à ce sujet, la Fédération Nationale du Bois nous a dit que le problème d’exportation bourguignon porterait plutôt sur les feuillus. Pour pallier à ce problème, la FNB préconise donc plutôt une politique d’aides à l’installation d’industries de seconde transformation, en particulier sur le feuillu.
Ce qui est vraisemblable, c’est que l’installation d’une nouvelle grosse unité de sciage comme ERSCIA risquait de détruire des emplois : car la tension créée sur les ressources résineuses aurait nécessairement fait monter les prix. Mais cette aubaine à moyen terme pour les propriétaires forestier aurait provoqué à coup sûr la fermeture d’une multitude de scieries locales plus modestes qui n’auraient pu plus s’approvisionner, comme la scierie de Sermizelles par exemple, qui fonctionne depuis trois siècles. En marketing, on appelle cela la politique d’Écrémage.
D’ailleurs, aucune étude d’impact socio-économique n’avait été faite quant aux éventuelles retombées négatives du projet. Pour se faire une idée du nombre de personnes vivant actuellement de la première transformation en Bourgogne, nous avons trouvé une enquête INSEE de 2009 qui recense 175 entreprises, dont 110 totaliseraient 2161 salariés. [35].
Ce que les chiffres montrent clairement, c’est que le nombre d’emploi au m³ est inversement proportionnel à la taille de l’entreprise, explique Jean-Philippe Bazot, directeur général de l’entreprise Bazot-Bongard et Fils (BBF) : « un emploi créé pour 1.000 mètres cube dans l’artisanat, un emploi pour 2.000 mètres cube chez BBF, un emploi pour 3000 mètres cube chez Fruytier et un emploi pour 3.500 mètres cube, selon les chiffres annoncés, chez Erscia » [36].
Le pire scenario aurait été qu’après avoir amorti sa production, l’entreprise se délocalise, laissant derrière elle un champ de ruines : « Ces grosses usines, nous les appelons les "criquets" : il leur faut entre 8 et 15 ans pour amortir leur outil de production et ensuite ils partent dévorer ailleurs, en abandonnant un massif appauvri », lance Philippe Canal, délégué du Snupfen, le syndicat majoritaire de l’Office National des Forêts [37].
Question financement, au nom du « développement » et de l’emploi combien d’argent public le projet ERSCIA aurait-t-il réussi à mobiliser ? Difficile à dire, puisque le montage financier reste confidentiel. Voici une évaluation :
- les subventions publiques couvraient un peu plus de la moitié des 10 M€ pour aménager la zone et 13 % des 148 M€ pour construire le pôle industriel [38] : soit plus de 24 millions d’Euros ;
- une aide annuelle nette d’au moins 7 millions d’Euros apportée par les tarifs de rachat d’électricité, à laquelle se serait ajoutée indirectement les certificats verts d’Électrabel pour l’achat des pellets ;
- entre autres avantages, la zone d’aide à finalité rurale (ZAFR) donnait droit à des aides publiques à l’emploi de 15 000 euros par salarié et par an ainsi qu’une exonération d’impôts locaux et sur les bénéfices pendant cinq ans.
Le rapport du CGAAER N°11082 d’octobre 2012 [1] se termine sur ce conseil éclairé, presque un message subliminal « Afin que les pouvoirs publics puissent encore mieux étayer les décisions à prendre quant au projet ERSCIA France, le montage juridique de l’investissement, reposant sur plusieurs holdings, avec des participations croisées et dont deux d’entre elles, Wood Energy et Jost Invest étaient basées au Luxembourg, ainsi que la situation fiscale et patrimoniale de leurs dirigeants, mériteraient une expertise approfondie. »
Entre aider les petites entreprises locales à se développer et subventionner des holdings belgo-luxembourgeoise pour un avenir incertain, il y a des choix de développement qui semblent évidents.
À la lecture de tous ces documents, qu’ils n’avaient peut-être pas au début, les derniers pro-ERSCIA commenceront peut-être à se remettre en question : car jusqu’ici, nous n’avons pas parlé de grenouilles mais de bois, d’entreprises, d’emplois, d’argent public...
Le dernier mot à François Rion : « développer des petites unités fondées sur la deuxième et troisième transformation aurait été moins spectaculaire mais plus générateur d’emplois et d’emplois plus pérennes. »
4. Pollution de l’air : une bouffée d’air frais
« Les grenouilles d’accord, mais les humains d’abord ». Ce slogan amusant, destiné stigmatiser les « écolos », ne parvient pas à camoufler la cheminée de 50 mètres de haut sur 2 mètres de diamètre, dont les fumées aurait certainement dégradé durablement la qualité de vie des habitants des territoires environnants. C’est ce que Jean-Paul Magnon appellait, sans rire, « une bouffée d’air frais » [39] : quel métaphore perspicace !
En tant qu’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), ERSCIA aurait présenté des risques pour la santé, la sécurité, la salubrité publique, l’agriculture, la protection de la nature et de l’environnement. A l’instar du problématique incinérateur de Fourchambault par exemple.
En effet, avec la complaisance de certains élus et de l’arrêté préfectoral ICPE (n°2012P534 du 19 avril 2012) ERS1>CIA aurait pu, entre autres :
- Brûler jusqu’à 75% de bois « non dangereux » de déchetteries au lieu des 30% annoncés initialement ;
- Brûler ces déchets à une température de 800° au lieu de 850° ;
- Rejeter plus de polluants que l’incinérateur de Fourchambault ;
- Choisir et payer elle-même l’organisme qui viendra la contrôler... 2 fois par an ;
- Empoisonner des rivières de première catégorie : l’Yonne et le Sardy.
La notion de « déchets dangereux » est définie par les directives 91/689/CEE et la décision 2000/532/CE modifiée par la décision du 2001/118/CE. Cette notion a été reprise en droit français dans le décret n°2002-540 du 18 avril 2002 relatif à la classification des déchets reporte la dangerosité des substances chimiques contenues dans les déchets, base de la classification. Les travaux de normalisation européenne (CEN TC335 et TC343) identifiant 4 classes de bois : A, B, C et D (la classe D portant sur les déchets dangereux).
L’ADEME et la DREAL reconnaissent qu’il est impossible de distinguer, à l’œil, des bois contenant des composants organo-halogénés, des métaux lourds ou de créosote... L’arrêté préfectoral ICPE prévoyait pourtant un simple contrôle visuel (page 48).
Compte-tenu de la part importante de déchets de bois usé qui aurait été brûlée et d’autre part de la forte probabilité que des erreurs de tri se produisent, la centrale de cogénération d’ERSCIA pouvait être assimilée à une ICPE d’incinération d’ordures ménagères... C’est donc l’arrêté du 20 septembre 2002 [40] qui aurait du s’appliquer :
Article 9 b) Les installations d’incinération sont conçues, équipées, construites et exploitées de manière à ce que, même dans les conditions les plus défavorables que l’on puisse prévoir, les gaz résultant du processus soient portés, après la dernière injection d’air de combustion, d’une façon contrôlée et homogène, à une température de 850 °C pendant deux secondes, mesurée à proximité de la paroi interne ou en un autre point représentatif de la chambre de combustion défini par l’arrêté préfectoral d’autorisation. Le temps de séjour devra être vérifié lors des essais de mise en service. La température doit être mesurée en continu.
Toutefois, l’article 9 paragraphe f et l’annexe I paragraphe a prévoient des dérogations : l’arrêté préfectoral d’autorisation peut fixer une valeur limite différente pour une installation d’incinération utilisant la technologie du lit fluidisé. Ce qui était le cas de la centrale d’ERSCIA : le lit fluidisé aurait été fabriqué par broyage des déchets de bois usé (75%) mélangés aux déchets biomasse (25%) de la scierie. Puis, grâce à une vis sans fin, la chambre de combustion aurait été alimentée de façon régulière et homogène, évitant les risques de chutes brutales de température que l’on peut observer dans les incinérateurs classiques. D’où l’autorisation des 800°C au lieu des 850°C fixés par la loi.
Mais les explications techniques de l’industriel servaient naturellement ses propres intérêts. Et les dérogations sont parfois le résultat du lobbying. Il convient donc de les comparer à des informations a priori plus objectives, comme celles de l’OMS au sujet des dioxines [41] :
L’incinération doit se faire à haute température, plus de 850°C. Pour détruire de grandes quantités de matières contaminées, il faut même atteindre des températures plus élevées, au moins 1000°C.
Pour se faire une « petite idée » de ce qui attendait les habitants en terme de rejets dans l’atmosphère, voici une simple comparaison avec ceux de l’incinérateur de Fourchambault. Les chiffres étaient ceux de l’estimation officielle d’ERSCIA sur la base d’une proportion de 31% de bois usé [42], à partir des maxima autorisés par l’arrêté préfectoral ICPE (pages 22 et 23).
Avec 75% de bois usé, ces chiffres auraient bien pu être multipliés par deux : sans tenir compte de l’extraordinaire coquille de 60g/an de dioxine, il y avait de quoi s’inquiéter sur les risques de contamination des territoires environnants. D’autant que les contrôles semestriels de ces rejets auraient été réalisés par des inspecteurs choisis et payés par ERSCIA (page 51 de l’arrêté préfectoral ICPE).
Quels étaient les risques ? Concernant simplement les dioxines, on sait qu’elles touchent pratiquement toutes les fonctions : l’immunité, le développement, le système nerveux, la thyroïde, la reproduction, le métabolisme.
Une « Étude d’imprégnation par les dioxines des populations vivant à proximité d’usines d’incinération d’ordures ménagères », lancée en 2005 par l’InVS en collaboration avec l’Afssa, a été publiée en 2009. Elle démontre que la contamination des sols, des sédiments et des plantes a pour conséquence une accumulation progressive dans les chaînes alimentaires au bout desquelles se trouve... l’espèce humaine. Et de conclure, rassurante : pas de répercussion sensible sur les niveaux sériques de dioxines, excepté pour les consommateurs de produits animaux d’origine locale. Autrement dit : ne mangez plus les produits de la ferme !
Et encore, nous ne détaillerons pas les autres rejets, ni leurs effets combinés !
5. Pollution de l’eau : une gorgée d’eau fraîche
Pour ce qui était de l’eau, le projet ERSCIA aurait impliqué :
- Une atteinte au bon fonctionnement de la nappe phréatique : l’implantation du site passait par la destruction et le décaissement de la majeure partie du Bois du Tronçay, sous lequel se trouvait une nappe phréatique d’une trentaine de mètres d’épaisseur... qui alimente le réseau d’eau potable. Or, il se trouve que l’approvisionnement et la qualité de cette nappe dépendent de la forêt, dont l’humus sert de filtre et de la configuration karstique du sous-sol, qui permet l’infiltration progressive de l’eau ;
- Un pompage dans l’Yonne et le réseau public : l’eau nécessaire au fonctionnement du site aurait été pompée dans l’Yonne à un débit maximal de 430m³/jour en temps normal et à 360m³/jour en cas de sécheresse et le réseau d’eau public, à raison de 5 à 7 m³/jour. Pour information : en été 2003, le site belge d’IBV a utilisé jusqu’à épuisement l’eau du réseau, obligeant les services communaux à alimenter la population par camions-citerne ;
- La pollution du Sardy : classé, tout comme l’Yonne, « cours d’eau de première catégorie », le Sardy sert de frayère pour une demi douzaine d’espèces rares de poissons. Par ailleurs, ce ruisseau est en première priorité pour les travaux visant à reconquérir la qualité physique des cours d’eau [43]. Malgré tout, l’arrêté préfectoral ICPE (pages 28 à 30) le destine à servir d’égout pour le site industriel...
Vite des emplois, vite une « bouffée d’air frais »... et maintenant, la « gorgée d’eau fraîche » ! Les effluents, d’une température inférieure à 30°C et d’un pH compris entre 5,5 (acide) et 9,5 (basique), auraient pu être rejetés avec les ingrédients suivants :
Paramètres | Flux en kg/an |
---|---|
Total des solides en suspension (MEST) | 16425 |
Demande chimique en oxygène (DCO) [44] | 18250 |
Demande biochimique en oxygène (0805) | 5475 |
Hydrocarbures totaux | 1500 |
Azote global | 9125 |
Phosphore total | 3000 |
Paramètres | Flux en kg/an |
---|---|
Total des solides en suspension | 2957 |
Carbone organique total (COT) | 3942 |
Demande chimique en oxygène (DCO) | 12319 |
Hydrocarbures totaux | 493 |
Mercure et ses composés, exprimes en mercure (Hg) | 2,96 |
Cadmium et ses composés, exprimés en cadmium (Cd) | 4,93 |
Thallium et ses composés, exprimés en thallium (TI) | 4,93 |
Arsenic et ses composés, exprimés en arsenic (As) | 0,99 |
Plomb et ses composés, exprimés en plomb (Pb) | 1,97 |
Chrome et ses composés, exprimés en chrome (Cr) | 49,3 |
Cuivre et ses composés, exprimés en cuivre (Cu) | 4,93 |
Nickel et ses composés, exprimés en nickel (Ni) | 4,93 |
Zinc et ses composés, exprimés en zinc (Zn) | 148 |
Fluorures | 1479 |
CN libres | 0,99 |
AOX | 493 |
Dioxines et furannes | 0,03 |
6. Les grenouilles d’abord
A force d’opposer l’argument de l’emploi à celui de la biodiversité, les pro-ERSCIA ont presque réussi à complexer les « écolos » : pour ne pas passer pour de furieux protecteurs de grenouilles, ces derniers ont finalement peu communiqué sur les petites bêtes... alors qu’ils ont gagné la bataille juridique sur ce point !
A première vue, le bois du Tronçay n’a rien de bien spécial. En dehors de ses caractéristiques de site karstique, avec les fameuses dolines, c’est un taillis traditionnel de vieux charmes (vu le diamètre des cépées) sous une futaie de hêtres et de chênes (plus récents). Mais son fonctionnement hydrique (au moins 6 hectares de zone humide selon un constat d’huissier), conjugué à l’ancienneté vraisemblable de la gestion actuelle (comme en témoignent les cartes ci-dessous) en ont fait un biotope favorable à la biodiversité.
Or cette biodiversité multiséculaire - dont la faune saproxylique constitue la plus grande part - contribue à la bonne décomposition du bois et à la production de l’humus forestier. Lequel joue un rôle fondamental dans la régulation et la filtration de l’eau vers la nappe phréatique... Cela veut dire que les petites bêtes travaillent pour nous : opposer leurs intérêts à ceux des humains n’a donc pas de sens.
Voici les noms des espèces relevées lors de l’étude d’impact, complétées de celles relevées par les amis de la grenouille.
- OISEAUX
- Pic mar
- Pic épeichette
- Pic vert
- Pic épeiche
- Buse variable
- Chouette hulotte
- Geai des chênes
- Grimpereau des jardins
- Mésange bleu
- Mésange boréale
- Mésange charbonnière
- Mésange nonnette
- Mésange huppée
- Sittelle torchepot
- Tourterelle des bois (selon les assos)
- CHIROPTÈRES
- Pipistrelle commune
- Pipistrelle de Kuhl
- Pipistrelle de Natthusius
- Noctule de Leisler
- Sérotine commune
- Murin à moustache
- Murin de Daubenton
- Grand murin
- Barbastelle d’Europe
- COLÉOPTÈRES
- Grand Capricorne (d’après Loire vivante)
- Lucane cerf-volant (d’après Loire vivante)
- Carabes (d’après Loire vivante)
- Pique-Prune (d’après Loire vivante)
- Scarabées (d’après Loire vivante)
- Bousiers (d’après Loire vivante)
- LÉPIDOPTÈRES
- Grand Sylvain (d’après Loire vivante)
- AMPHIBIENS
- Salamandre tachetée
- Triton alpestre
- Triton palmé
- Rainette verte
- Grenouille verte
- Grenouille rousse
- Crapaud commun
- Crapaud sonneur (d’après Loire vivante)
- REPTILES
- Lézard des murailles
- Couleuvre à collier
- Couleuvre verte et jaune
- MAMMIFÈRES
- Hérisson d’Europe (selon CNPN)
- Écureuil d’Europe (selon CNPN)
Conclusion et ouverture
Bien que son sort soit déjà joué, ERSCIA soulève des enjeux et des problématiques qui restent d’actualité... En effet, ce type de projet risque de se reproduire ou se reproduit déjà ailleurs sous d’autres formes... Mais cette-fois, partisans et opposants en tireront un enseignement pour affûter stratégie et arguments. C’est la raison pour lesquelles nous avons jugé utile de réunir un maximum de pièces du puzzle. Que nous apprend ERSCIA ?
- Que certaines politiques de financement public peuvent avoir un effet pernicieux ;
- Que l’intérêt des holdings est rarement compatible avec celui du développement local et des citoyen(nes) ;
- Que la confiance accordée aux élus ne doit jamais être aveugle ;
- Que les grands mots, comme « énergie renouvelable » ou « débat démocratique » peuvent être utilisés abusivement pour dissimuler des réalités contradictoires ;
- Que, pour une grande part, les rapports techniques utilisés pour la gestion du dossier ont été réalisés sérieusement par des services compétents... mais qu’ils n’étaient pas toujours pris en compte par les décideurs ;
- Que la vigilance, la réactivité et l’action conjuguée des associations et des citoyens peut renverser des situations présentées comme acquises par et pour des personnes bien placées :
- Action juridique, initiée par DECAPIVEC, Loire vivante et le Collectif des habitants de Marcilly ;
- Action médiatique surtout relayée par Adret Morvan ;
- Action d’occupation du terrain : création de la ZAD sur le même schéma que pour le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes.
- Que la justice a bien fonctionné : c’est d’ailleurs la suspension prononcée par le juge des référés du Tribunal de Dijon qui a vraiment arrêté le projet ;
- Que le Conseil d’état a prouvé qu’il était capable d’impartialité en contrecarrant un projet de politique publique.
Mais certaines questions restent ouvertes et méritent d’être débattues.
- Exploitation de la forêt et « Énergie verte » : sans parler des failles qui existent actuellement dans le système de financement européen de l’énergie renouvelable, peut-on tout demander à la forêt ? Si oui, quel type de forêt voulons-nous ? Une plantation mono-spécifique de résineux OGM ?
- Déchets : en dehors des dérogations discutables du projet ERSCIA sur ce point, il est clair que personne ne veut d’usine d’incinération près de chez soi. Pourtant, nous continuons tous, parfois de force, souvent par faiblesse à favoriser la production exponentielle des déchets. Faut-il augmenter les performances (et donc le coût) des incinérateurs ou privilégier une solution « à la racine », en jugulant la fabrication de certains produits, trop coûteux à traiter ou à recycler ?
- Développement : les projets de holdings, même pourvoyeuses d’emploi à court terme, étaient-elles les seules voies de développement possibles ? Sinon, comment prouver que les aides publiques seraient mieux investies dans des projets d’économie locale ? Faut-il privilégier quelques grands projets à gros chiffres d’affaires portés par des actionnaires bien éloignés de nos problématiques de territoire ou bien une multitude de projets plus modestes ?
- Intérêt public majeur : le projet d’ERSCIA n’a été suspendu que parce que son intérêt public majeur n’a pas été suffisamment justifié... Qu’entendons-nous par intérêt public majeur ? Qu’est-ce que cela implique ?
Enfin, bien que le projet soit définitivement tombé à l’eau, l’avenir du Bois du Tronçay reste en question. Aux élus qui, pour différentes raisons, auront pu se fourvoyer dans le dossier, nous avons une solution honorable pour sortir de l’embarras : avec tout le tapage qu’il y a eu autour du projet, pourquoi ne pas en aménager une partie pour développer le tourisme écologique ? Installer des platelages en bois du Morvan pour permettre une déambulation dans les zones humides, monter un projet de type "Centre permanent d’initiatives pour l’environnement" en encourageant les gens à lire La Hulotte... Et pour la partie restante, continuer de l’exploiter comme elle l’a toujours été, avec un nouveau terme : le recépage durable ?
Bref une « grande réconciliation » qui pourrait servir les prochaines campagnes électorales avec le slogan suivant Les humains d’accord : les grenouilles d’abord ! ;-)
Sources
Pièces du dossier, par date
Tous les documents relatifs à l’enquête publique ainsi que les arrêtés étaient téléchargeables sur le site de la préfecture de la Nièvre, rubrique Publications.
- 2011, Juillet - Résumés non techniques des études d’impact de défrichement, d’aménagement, de construction et d’exploitation d’une IPCE
- 2011, Octobre - Avis de l’autorité environnementale (AE) relatif à l’étude d’impact et prise en compte de l’avis par les maîtres d’ouvrage
- 2012, le 24 janvier - Rapports et conclusions motivées de la commission d’enquête publique
- 2012, le 14 février - Premier avis défavorable du CNPN
- 2012, Mars - Premiers arrêtés préfectoraux pour autoriser la mise en oeuvre du projet
- Arrêtés 2012004 et 2012005 : autorisation de défricher
- Arrêté 2012081-0002 : autorisation de destruction d’habitats d’espèces animales protégées
- Arrêté 2012081-0003 : autorisation de création d’un lotissement industriel
- Arrêté 2012081-0005 : permis de construire
- Arrêté 2012P534 : autorisation d’exploiter une IPCE
- Arrêté 2012125-0001 : autorisation de travaux au titre de la loi sur l’eau
- 2012, le 19 juin - Ordonnances du Tribunal administratif de Dijon
- Ordonnance n°1201087 du Tribunal administratif de Dijon : suspension de l’arrêté 2012081-0002
- Ordonnance n°1201088 du Tribunal administratif de Dijon : rejet de la demande de suspension de l’arrêté 2012004
- 2012, Juillet - Arrêtés préfectoraux
- Arrête 2012187-0001 : retrait de l’arrêté 2012081-0002
- Arrêté 2012192-0001 : deuxième autorisation de destruction d’habitats d’espèces animales protégées
- 2012, le 2 octobre : Ordonnance n°1201906 du Tribunal administratif de Dijon : suspension de l’arrêté 2012192-0001
- 2012, le 24 décembre - Conseil d’état : décision 363422, qui rejette le pourvoi pour l’annulation de l’ordonnance n°1201906
- 2013, le 14 janvier - Deuxième avis défavorable du CNPN
- 2013, le 31 janvier - Arrêté préfectoral 2013031-0001 : troisième autorisation de destruction d’habitats d’espèces animales protégées
- 2013, le 27 février - Ordonnance n°1300303 du Tribunal administratif de Dijon : suspension de l’arrêté 2013031-0001
- 2013, le 12 avril - Lettre de la FNB au ministre de l’Agriculture
- 2013, le 9 octobre - Conseil d’état : décision 366803, qui rejette le pourvoi pour l’annulation de l’ordonnance n°1300303
Autres sources, par date
- 2009, Août - DRAAF : Rapport sur l’emploi dans la filière bois en Bourgogne
- 2011, Mai - Institut technique FCBA : Étude de ressource résineuse en Bourgogne
- 2011, Octobre - CGAAER n°11082 : Ressource disponible et conditions d’approvisionnement des unités de transformation des bois résineux en Bourgogne (ayant le statut de « non communicable ») [2]
- 2011, Novembre - Institut technique FCBA : Disponibilité forestière en bois d’œuvre résineux en Bourgogne et dans les régions voisines
- 2012, Janvier - CGEDD et CGAAER : Audit de la filière bois du massif central
- 2012, Janvier - CGAAER n° 10156 : Meilleure valorisation de la ressource forestière sous forme de sciages
- 2013, Mars - Préfecture de Bourgogne : Plan pluriannuel régional de développement forestier pour la Bourgogne
- 2013, Juin - Rapport de Jean-Yves CAULLET, Député de l’Yonne, Maire d’Avallon au Premier Ministre : Bois et forêts de France, Nouveaux défis