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GREENWASHING et MALBOUFFE

Déchets « sauvages » : à Avallon, le Maire déroule « le tapis vert » à Macdo ?

En quoi cette démarche assimilable à de l’écoblanchiment - ou greenwashing - est-elle problématique, voire immorale ?

Le 25 novembre 2019, on peut lire, sur cette page Facebook municipale, que « le maire d’Avallon - et Emmanuel PERALTA - directeur du McDonald’s Avallon, ont signé un Plan d’Emballages Abandonnés (PEA) »(sic), dans le cadre duquel « McDonald’s Avallon d’offrir 4 poubelles à la ville. »

Nous avons voulu démontrer en quoi cette démarche regrettable, assimilable à du greenwashing, nous paraît problématique, voire immorale.

Notre réflexion s’achève sur des pistes de solutions... et un appel à la raison : rappelons à ces communicants que le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit.

Source : Extrait de la page Facebook de la ville d’Avallon

Défi : testez vos capacités de décodage en prenant le temps de découvrir ce communiqué municipal avant de lire notre analyse. Notamment, quels éléments de communication pourraient vous conduire sur la piste du greenwashing ?

Déchets : Jean-Yves Caullet invite Macdo à la Mairie d’Avallon pour une opération assimilable à du greenwashing
Le 25 novembre 2019, la ville d’Avallon communique pour Macdo sur sa page Facebook, en signant un partenariat assimilable à du greenwashing.

Analyse du document : un cas d’étude de greenwashing

La photo a été prise à l’intérieur de la Mairie : par l’équipe municipale ou par un journaliste ? Toujours est-il que, dans ce contexte, elle a nécessité un accord officiel, ce qui ne serait pas nécessairement le cas dans un lieu public. Et sa publication sur une page appartenant à la ville indique une volonté de communiquer.

On y voit le Directeur du McDo d’Avallon, tout sourire, aux cotés du Maire en train de signer ledit document.

Dans le texte, on remarque que deux liens pointent vers la page Facebook du MacDo d’Avallon. Quelques Emojis apportent une touche sympa, un style apparemment spontané. Analysons-le maintenant plus en détail :

  1. L’utilisation d’un acronyme, « PEA », ou « Plan d’emballages abandonnés », est sensé apporter de la crédibilité à la démarche, à l’instar d’un label : vous noterez l’usage du terme aseptisé emballage au lieu de déchet ;
  2. Le deuxième paragraphe assène un lieu commun, une figure de rhétorique fondée sur l’emploi de situations communes ou d’assertions consensuelles. On ne peut en effet qu’être d’accord avec le constat... hélas : il y a un vrai problème de déchets sauvages (produits notamment par un certain DoMac) ! La formule « Cela détruit notre planète » jette le lecteur dans un profond désarroi... en attente d’un sauveur ;
  3. Justement... comme dans les films américains... le super-héros vient à point nommé sauver la planète de cette destruction certaine ! Il s’appelle « McDonald’s » (et comme il est gentil, on en profite pour mettre un deuxième lien vers sa page). On nous apprend qu’il « offre » 4 poubelles à la ville d’Avallon ! Quelle magnanimité !
  4. Le 4e paragraphe apporte à point nommé, comme un clou qu’on enfonce, un élément indispensable au style du greenwashing : le préfixe « éco ». Non seulement McDo offre des poubelles, mais en plus, il s’en occupera, nous dit-on, avec des « équipiers écocitoyens ». Le terme de citoyen implique, quant à lui un certain sens des responsabilité... nous voilà rassurés !
  5. D’apparence anodine, l’avant dernière phrase constitue à la fois une habile et classique forme de diversion : l’ennemi tout désigné, objet de cette lutte menée en partenariat avec notre héros, est le dépôt des déchets sauvages . C’est cette entité abstraite, voudrait-on nous faire croire, qu’il faut combattre, un peu comme un animal féroce (et sauvage) qui serait la cause du mal. Détail amusant : sauvages au pluriel est accordé aux déchets et non au dépôt.
  6. La dernière phrase apporte à nouveau un poncif, qui à lui seul suffirait à démontrer l’inanité, voire l’absurdité de la démarche : « la meilleure façon d’être propre est de ne pas salir. » A qui doit-on appliquer cette formule ? Aux consommateurs de MacDo ou au restaurant lui-même, qui est véritablement la source de ces salissures ?

Oups... on allait presque oublier les Emojis ! A la suite d’une main tenant un stylo, évoquant une signature, le plus remarquable d’entre eux est le symbole du recyclage, qui, tel un message subliminal, pourrait laisser croire que nous sommes dans une démarche de recyclage.

Le ruban de Möbius est le logo universel des matériaux recyclables.
Le symbole de recyclage est un pictogramme identifiant un produit potentiellement recyclable. Il est souvent employé dans les opérations de greenwashing.

Enfin, l’Emoji « Poignée de main », soulignant l’idée du partenariat, précède le pictogramme de la planète bleue, dont le message pourrait être celui d’un happy end.

En interprétant le message qu’à l’aide des Emojis, on pourrait comprendre ceci : on signe un accord de recyclage des déchets pour notre planète bleue.

Il faut en convenir : le texte est habilement construit, sans aucun doute par un professionnel de la communication. Rien n’a été laissé au hasard, pas même les Emojis ! Passons maintenant de la "com" à la réalité...

La réalité : MacDo, une politique de déchets catastrophique

En quelque sorte, la ville "embauche" MacDo comme "écocitoyen". Quelles sont les références de notre "sauveur" en matière de déchets ?

  • 4032 tonnes d’emballages jetables utilisés par jour dans le monde
  • 115 tonnes d’emballages jetables utilisés par jour en France
  • 1/4 seulement des déchets produits dans les restaurants en France sont recyclés
Les déchets de McDonald’s en quelques chiffres

Si vous n’êtes pas encore convaincu•e•s d’avoir affaire à un véritable expert en déchets, ZeroWasteFrance a réalisé un beau dossier, téléchargeable en PDF :

McDonald’s : Une politique déchets à contre-courant de l’économie circulaire

Le greenwashing ou écoblanchiment, un procédé mensonger et immoral

Le greenwashing, en français écoblanchiment, est un procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation (entreprise, administration publique nationale ou territoriale, etc.) dans le but de se donner une image de responsabilité écologique trompeuse.

Pour faire court, il s’agit d’un gros mensonge tout à fait immoral, qui consiste à faire croire qu’on est vertueux tout en continuant à polluer la planète.

L’Observatoire de la publicité a publié à ce sujet un guide complet, que l’on peut télécharger en PDF :

Le Greenwash Guide, Par l’observatoire de la publicité
10 éléments récurrents dans les discours de greenwashing
Source : Le Greenwashing Guide, de l’Observatoire de la publicité

Le communiqué de la ville d’Avallon valide au moins 6 de ces 10 éléments récurrents dans les discours de greenwashing :

  • Point 1 - L’utilisation d’un mot flou « écocitoyen » ;
  • Point 2 - Produit « vert » qui ne l’est pas : MacDo apparaît comme un solution à un problème de déchets, alors que c’est en fait la cause de ces déchets, puisqu’il les produit ;
  • Point 3 - Image suggestive : le pictogramme du recyclage, dans le communiqué est trompeur, puisque 1/4 seulement des déchets produits dans les Macdos en France sont recyclés.
  • Point 4 - Mettre en avant un aspect écologique mineur quand l’ensemble du produit ou de l’activité ne l’est pas : 4 poubelles contre 115 tonnes d’emballages jetables utilisés par jour en France ;
  • Point 6 - Manque de crédibilité : Le terme d’« équipiers écocitoyens » n’est pas crédible pour une entreprise qui produit autant de déchets et fait aussi peu d’effort recyclage ;
  • Point 9 - Absence de preuves : Cette signature est un pas de plus vers la lutte contre le dépôt des déchets sauvages.

Conclusion : on a donc bien à faire à du greenwashing caractérisé, servi à MacDo sur un plateau vert par la ville d’Avallon en échange d’une production de déchets non recyclables dans la vallée du Cousin, Avallon et alentours.

Le principe du pollueur-payeur, un cercle vicieux

En faisant abstraction de la partie marketing pour se concentrer uniquement sur le principe du pollueur payeur, ce qui apparait de prime abord comme un cercle vertueux s’avère en réalité très rapidement un cercle vicieux : tant qu’il est dit que je ramasse mes déchets, je peux continuer à en produire !

Le Greenwashing illustré par Valentin Druzhinin
Valentin Druzhinin

Étudions ce syllogisme écocitoyen, dit aussi écosyllogisme :

  1. Quand MacDo dit qu’il ramasse ses déchets, Macdo passe pour un bon écocitoyen
  2. Or plus il y a de déchets, plus MacDo peut en ramasser...
  3. Donc plus Macdo produit de déchets, plus il peut prétendre à l’écocitoyenneté...

Une opération de com difficilement compréhensible de la part de la ville : à qui profite le crime ?

On ne peut empêcher personne de ramasser ses déchets, même si le mieux serait d’arrêter d’en produire.

Mais, de la part d’une municipalité, se compromettre ainsi en déroulant « le tapis vert du greenwashing » à MacDo est difficilement compréhensible.

Posons la question : à qui profite le crime ?

  • Au jeu du tapis vert, Macdo gagne le gros lot, puisqu’il s’offre à peu de frais une sorte de permis de polluer à Avallon, dans la vallée du Cousin et ailleurs. Bien joué !
  • La ville d’Avallon y gagne 4 poubelles. Bof ?
  • Et la planète, que l’opération est sensée protéger de la destruction... n’y gagne rien du tout, puisque Macdo peut continuer à produire autant de déchets qu’avant, sinon plus.

Une chose est certaine : cet accord constitue un pied dans la porte des missions de service public du Maire, qui contribue à banaliser la présence des marchands dans le temple de la république.

Monsieur le Maire, Monsieur Peralta, vous ne ferez pas croire à nos lectrices et lecteurs que cette action vise à protéger la planète. Car, ramasser ses déchets tout en se faisant de la pub, ne signifie pas réduire ses déchets... surtout s’ils sont peu recyclables, voire pas recyclés !

Circonstance aggravante de ce partenariat : le problème de santé publique

Outre les déchets, rappelons que la mission de salubrité publique du Maire inclut la garantie de la santé publique.

Or, comme chacun le sait, le lien entre la malbouffe servie par les fast-foods et les problèmes d’obésité a été maintes fois démontré.

McDonald, mauvais pour nous, mauvais pour la planète ?
En septembre 2010, une association américaine de médecins a fait réaliser un spot pour alerter les risques mortels liés aux repas servis chez McDonald. On y voit une femme pleurant la mort de son mari, dont le corps est allongé devant elle, un hamburger à la main. La caméra tourne autour des personnages avant de s’arrêter sur les pieds du cadavre. L’arche jaune familière se dessine autour, avant qu’apparaîsse le slogan « I was loving it » (« C’était tout ce que j’aimais »).

Parmi les nombreux travaux de recherche menés sur ce sujet, une étude publiée en 2013 dans le Journal of Internal Medicine établit une corrélation entre la densité de McDo par habitant et le taux d’obésité. La France se situe dans le haut du tableau avec près de 20 restaurants pour un million d’habitants.

Dans contexte tragique, offrir à la chaîne de restauration rapide américaine une opération de com sur la page officielle de la Mairie nous semble constituer une circonstance aggravante.

Quelles solutions apporter au problème des déchets ?

Rappelons que, sur valleeducousin.fr... nous connaissons bien le problème des déchets, que nous en ramassons régulièrement... et qu’avant cet article, nous avions publié un billet sur un nettoyage de la falaise de Cousin le Pont et l’installation rapide, à notre demande, d’une poubelle par la Mairie d’Avallon..

Enfin, ramasser les déchets sauvages, c’est bien visuellement. Mais, une fois à la poubelle, un déchet dit « sauvage » pollue toujours autant qu’un autre déchet. Cette illusion de « propreté » ne fait donc qu’occulter le problème, comme la poussière sous le tapis.

La seule vraie solution pour résoudre le problème des déchets, serait de ne plus en produire. Rappelons la règle des 5 R, telle que Béa Johnson l’a décrite dans son livre Zéro déchet (Transcontinental, 2014). Cette règle doit être appliquée du haut vers le bas, en ordre de priorité : il est donc primordial de refuser et de réduire à la source avant de recycler.

Schéma des 5R de Béa Johnson
Source : Zérowaste Paris
  1. Refuser : C’est vraiment la base du zéro déchet. Refuser ce dont on n’a pas besoin. Que ce soit le courrier indésirable, la marchandise publicitaire, les emballages à usage unique ou les cadeaux inutiles. La liste peut être longue, mais elle dépend aussi de chacun d’entre nous. L’important c’est de nous questionner sur nos réels besoins et de refuser ce qui est superflu.
  2. Réduire : Celui-ci se rapproche grandement du premier, mais en diffère un peu. Il y a plusieurs objets dont nous avons besoin, mais que nous avons tendance à surconsommer. Deux excellents exemples sont les vêtements et les appareils électroniques. Dans le monde d’aujourd’hui, nous devons nous habiller et nous avons souvent besoin d’un téléphone et d’un ordinateur pour travailler. Mais nos garde-robes dépassent généralement nos besoins et nous avons aussi tendance à démultiplier les appareils électroniques sans en avoir réellement d’utilité.
  3. Réutiliser / Réparer : Réutiliser non seulement ce que nous avons déjà à la maison avant d’acheter, mais aussi réutiliser ce qui existe déjà sur le marché de l’occasion avant d’acheter neuf. Ça permet de valoriser les ressources qui existent déjà plutôt que de créer de la demande pour de nouvelles ressources. « Réutiliser » signifie aussi « réparer » : nos vêtements et nos appareils électroniques par exemple afin de prolonger leur durée de vie !
  4. Recycler : Ce « R » est sans doute celui qu’on pense le mieux maîtriser, mais ce n’est pas toujours le cas. On a tendance à penser que recycler, c’est vraiment ce qu’on fait de mieux pour l’environnement. Pourtant, le mieux reste toujours de ne pas produire un déchet à la base. Puis, si ce dernier est produit et recyclable, la deuxième solution est bel et bien de le recycler adéquatement.
  5. Rendre à la terre / Composter : Le compost, ça concerne les matières organiques ! De façon générale, ce sont les résidus alimentaires. Lorsque ces matières se retrouvent dans un site d’enfouissement, comme elles n’ont pas accès à l’air pour composter, elles produisent du méthane : un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2. Il est donc important de les composter (soit avec la collecte municipale, soit avec à un composteur domestique) afin de produire un riche engrais pour nos plantes plutôt que de polluer.

Par Thiébaut

Publié le jeudi 28 novembre 2019

Mis à jour le lundi 9 décembre 2019

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