Remarque : ce qui suit est une suite logique à l’article intitulé Démarrer un levain uniquement avec de la farine et de l’eau pour faire son pain maison... à lire absolument quand on ne connait pas la différence entre le levain et la levure.
Des outils de base peu onéreux
- une spatule plate en bois
- un coupe-pâte (qui ne sert pas qu’à couper la pâte)
- une balance (à la longue on peut s’en passer)
- un grand récipient pour le mélange et la pousse (ici un grand cul de poule inox)
- de la toile de lin et des bannetons ou paniers évasés ou corbeilles à fruits...
Les proportions simplifiées
Ne devenez pas psycho-rigides avec les proportions. Comprenez simplement que le levain est constitué d’une flore microbienne, qui en l’occurrence, pour faire simple, se nourrit de farine. Si vous ne lui en donnez pas assez, le résultat sera plus acide (signe que le levain a faim). Si vous lui en donnez beaucoup trop... il aura une indigestion ou mettra très longtemps à faire son travail correctement.
L’autre point important... c’est la chaleur et l’humidité. Plus il fait chaud et humide... plus le levain est actif... : les temps de pousse sont plus raccourcis.
Mais au début, quelques règles simples rassurent et facilitent la vie ! Celle que j’ai adoptée est la règle... 1 levain, 2 eau, 3 farine (c’est plus simple pour les nuls en calcul mental !)
Par exemple, pour 3kg de pain :
- 500g de levain
- 1000g d’eau (donc 1 litre)
- 1500g de farine
- ... sans oublier le sel : je mets une bonne cuillère à soupe de gros sel de Guérande pour ces proportions.
Ces proportions indicatives peuvent varier de beaucoup, en fonction de votre levain, votre farine, la température... Et votre levain vous pardonnera volontiers quelques écarts !
Les étapes classiques et le vocabulaire
Avant de présenter notre méthode simplifiée, voici les étapes que l’on retrouve habituellement, avec leurs définitions précises.
On peut distinguer les phases actives (où le boulanger travaille) des phases passives (où le levain travaille).
Il est intéressant de comparer la pâte au levain comme un muscle. Quand elle est au repos, le levain travaille, digère le gluten et le muscle se détend... Quand la boulangère ou le boulanger la manipule, s’est souvent pour la retendre... un peu comme quand on roule un sac de couchage (pour celles et ceux qui on dormi à la belle étoile !).
- Actif - Le Pesage des ingrédients.
- Actif - Le Frasage, qui consiste à mélanger de façon homogène tous les ingrédients : la farine, le sel, l’eau et le levain. Les protéines insolubles de la farine (le gluten), sous l’effet de l’eau, vont s’agglutiner pour former une structure maillée appelée réseau glutineux. Ces protéines vont enrober les grains d’amidon.
- Passif - L’Autolyse, temps de repos qui permet d’assouplir le tissu glutineux et de modifier la texture des pâtes, hors fermentation, par l’action naturelle des enzymes contenus dans la farine (environ 10 à 30mn, voire plus selon les boulangers).
- Actif - Le pétrissage, qui consiste principalement à étirer la pâte et à la souffler (enfermer de l’air à l’intérieur). Attention, pas de compression ni de cisaillement ! Il ne faut pas battre la pâte ou la déchirer, mais l’étirer. Faites le geste d’étirer (élongation) et d’enrouler la pâte sur elle-même, sans tirer jusqu’au point de rupture. Ne pas rajouter de farine... La pâte devient peu à peu dynamique et finit par se décoller toute seule en tirant dessus. A ce moment, cesser l’étirage.
- Actif - Le bassinage (facultatif) : Le bassinage consiste à adoucir la pâte. Il est fait pour apporter de la force à la pâte. Le bassinage casse le réseaux glutineux, ce qui facilite l’alvéolage du pain. Le bassinage se fait en particulier dans les deux dernières minutes de pétrissage, en incorporation d’eau à petite dose. Il est facultatif et difficile à réaliser lors d’un pétrissage manuel.
- Actif - Le contre-frasage (facultatif) : Idem que le bassinage mais en incorporant de la farine à petite dose. Il est facultatif et difficile à réaliser lors d’un pétrissage manuel.
- Passif - Le pointage en masse ou piquage : La pâte est laissée au repos de trente minutes à cinq heures (voire plus) pour laisser la levure ou le levain assurer une fermentation suffisante. La pâte doit au moins doubler de volume à l’issue de cette étape : le gonflement est dû au dégagement de gaz carbonique lié à la fermentation. C’est pendant le pointage que se développe l’arôme du pain. Certains boulangers font un simple tourage pendant le pointage, pour retendre un peu la pâte.
- Actif - La division : Il s’agit de découper la pâte qu’on a laissé fermenter en masse, en pâtons plus petits. Le boulanger utilise une balance pour effectuer le pesage de ces pâtons et assurer leur régularité, et peut-être une diviseuse. A cette étape, on peut refaire un « tourage » de la pâte.
- Actif - Le boulage : Afin d’obtenir des pâtons réguliers en vue du façonnage, ces derniers sont « boulés ». Cette étape permet aussi de contrôler la force des pâtes et de la corriger peut-être, en boulant plus ou moins serré.
- Passif - La détente : Les pâtons sont laissés au repos une nouvelle fois (environ 10mn). Cette étape permet au réseau de gluten de se détendre après les étapes de division et de boulage. Sans cette étape, le réseau de gluten aurait tendance à déchirer au moment du façonnage.
- Actif - Le façonnage : Chaque pâton est retravaillé pour lui donner la forme voulue. Il peut être laissé tel quel ou allongé pour donner la baguette par exemple. A cette étape, on peut refaire un « tourage » de la pâte.
- Passif - L’apprêt : Les pâtons sont disposés sur une toile de lin (la couche) pour la seconde fermentation. Cette fermentation s’effectue dans des conditions de température proche de 25 °C ainsi qu’à hygrométrie suffisante pour éviter le « croûtage » des pâtes. L’apprêt dure d’une à trois heures. Penser à mettre le four en préchauffage 45 min avant la fin de la phase d’apprêt.
- Actif - Le grignage (facultatif) : Avant l’enfournement, le boulanger scarifie les pains avec une lame pour favoriser leur développement. Cela provoque la formation de coalescences gazeuses sous les grignes... (des trous dans le pain quoi). Les grignes ainsi obtenues interviennent aussi dans le côté esthétique du pain tout en développant des arômes.
- Mise au four : Les pains sont enfournés à une température de 250 à 280 °C, en présence de vapeur d’eau. L’alcool produit lors de la fermentation sera éliminé par simple évaporation en tout début de cuisson dans le four à pain. L’idéal est de reproduire l’effet "chaleur tombante" des fours à bois en réduisant la température en fin de cuisson.
- Le ressuage : A la sortie du four, les pains ont une odeur irrésistible... cependant, ils continuent de cuire... et de la vapeur d’eau continue à s’échapper : on appelle cela le ressuage. Il est donc fortement conseillé d’attendre leur refroidissement complet et de les poser sur des grilles ou tout autre support respirant.
La méthode "sans pétrissage"
L’idée ici est de réduire les phases actives au minimum... et de laisser le levain faire presque tout le boulot.
- Actif - Pesage (environ 5 min).
- Actif - Frasage... mélange homogène des ingrédients (environ 10min).
- Passif - Pointage en masse (environ 6 à 10h, selon la température... et de l’emploi du temps !) Plus on attend... plus la pâte se détend... plus elle est digeste... mais moins elle sera facile à façonner et plus la mie sera serrée.
- Actif - Division et boulage : On coupe, on retend (en repliant avec l’idée de retendre... comme un sac de couchage) et on boule (environ 15min).
- Passif - Apprêt : On met à reposer environ 30min à 1h avant la mise au four.
- Cuisson en chaleur tombante. Environ 25 min à 250° et 20 min à 200° selon la taille des pains... et les caractéristiques du four.
Avec le nettoyage et tous les à côtés, cela me prend environ 1h pour 3 à 4kg de pain.
Exemple pratique : pain aux graines de sésame
Retendre la pâte : les gestes du tourage
Retendre une pâte n’est pas toujours aisé... surtout quand elle est bien détendue ! Le coupe-pâte peut vous sauver la vie, car sa forme de spatule permet de soulever les bords sans qu’ils se déchirent pour les replier sur la pâte.
Avec une pâte pas trop hydratée, comme ci-dessous, la technique est plus facile à exécuter.
Pensez au sac de couchage que l’on roule sur lui-même. C’est finalement l’étape la plus technique à exécuter...
L’eau : comment bien hydrater son pain ?
Les proportions 1, 2, 3 indiquées dans cette article ne sont qu’indicatives. A vous de réajuster, en fonction de votre levain (liquide, demi-dur, dur...), de votre farine, de la température...
Pour cela, rien ne vaut l’expérience... et les erreurs. Voici quelques indications sur l’eau... à partir du vécu.
Pas assez d’eau
- La pâte s’étire mal... manque de souplesse, la surface est dure, la masse gonfle moins bien...
- Les pâtons « croûtent » : sèchent en surface.
- Quand on pose le pâton sur la plaque, il ne se détend pas et reste « en boule ».
- Pendant la cuisson : le pain se craquèle facilement, les grignes ne s’écartent pas...
- Après cuisson et la mie est serrée... et sèche
- Solution : après le frasage... rajouter un peu d’eau, par toute petite quantité (attention on peut vite en mettre trop !).
Trop d’eau
- La pâte s’étire trop facilement et colle trop... ne résiste pas assez à la pression.
- La pâte se détend trop, voire « coule » sur le plan de travail... et doit être repliée rapidement et plusieurs fois pour ne pas tomber par terre...
- On ne peut pas grigner.
- Solution : après le frasage, contre-frasez en ajoutant progressivement et patiemment de la farine (pas de gros paquet de fariner d’un coup).
Le bon dosage d’eau
- La pâte est souple, elle s’étire bien et revient lentement à la pression du doigt.
- Elle se détend tranquillement sur la plaque, sans pour autant dégouliner.
- Elle colle un peu, mais pas trop : après le tourage de la masse, elle reste en place.
- Quand on met les pains sur la plaque, ils se détendent doucement en devenant « plats » : pas d’inquiétude, ils vont gonfler au four au bout de 10 minutes.
- Les grignes s’écartent bien à la cuisson et la croûte se soulève.
IMPORTANT : pendant toutes les phases de repos, bien penser à couvrir la pâte pour éviter le croûtage (pour ne pas qu’elle sèche).
Pour la cuisson, pensez à verser un demi-verre d’eau dans le lèche-frite.
Quelques photos de pain pour vous encourager !
Attention.. ces photos montrent généralement des pains rebondis, bien musclés, correspondant aux standards du pain mis en avant par l’industrie boulangère. Le temps de pointage plus court (entre 5 et 6h) a permis à ces pains de finir la pousse au four et de bien gonfler...
Ils sont tous réalisés avec de la farine de blé demi-complète (T80), celle que je vous recommande pour démarrer.
C’est sympa... ça en met plein la vue... sauf qu’en réalité les pains « plats » avec une longue pousse sont plus intéressants pour la santé et la conservation... Pourquoi ? Parce que le gluten a été bien mieux digéré... et que les sels minéraux sont aussi plus assimilables !
Le prochain article mettra donc les « gros pains plats » à l’honneur, avec d’autres types de farine, plus intéressantes au niveau nutritif.
Quelques vidéos utiles
Les meilleures vidéos que j’ai pu trouver sont celles de l’Ecole internationale de boulangerie... en voici une sélection.