Pour écouter ou réécouter la conférence de Susan George
Susan George à Avallon le mardi 5 mai 2015 : Conférence sur le TAFTA / TTIP by Valleeducousin on Mixcloud
Prise de son : valleeducousin.fr
Qu’est-ce que le TAFTA ?
Un traité que les entreprises transnationales préparent depuis vingt ans... dans le secret. C’est pourquoi assez peu de citoyen(ne)s en ont entendu parlé.
Un projet de partenariat transatlantique entre l’Union européenne et les États-Unis tantôt appelé TAFTA (Transatlantic Free Trade Agreement), PTCI (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership ) ou encore grand marché transatlantique.
En 1995, à la demande du département de commerce américain et de la commission du commerce, le Transatlantic Bizness Dialog réunit les entreprises transnationales pour étudier la création d’un traité multilatéral favorisant leurs activités.
La forme la plus récente de cette réunion d’entreprises transnationales étant le Conseil économique transatlantique, qui se définit lui-même comme une entité politique destinée à accompagner et accélérer la coopération de gouvernement à gouvernement avec l’objectif de faire avancer l’intégration économique entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique. Sa mission : donner du pouvoir au secteur privé.
Ces entreprises transnationales privées se placent au même niveau que les gouvernements. Bien pire, alors qu’elles ont accès à tous les documents servant de base aux négociations, les députés ont parfois du mal à les consulter.
En effet, pour préserver le secret et l’opacité des négociations, nos députés européens doivent non seulement appartenir à la commission idoine... mais encore consulter ces documents dans une salle close, sans pouvoir prendre de notes ou de photos.
Les négociations qui ont abouti au TAFTA ont commencé en juillet 2013. Elles devaient se terminer en 2015... mais se prolongeront certainement un an de plus.
Quoiqu’il en soit, si vous souhaitez faire entendre votre voix de citoyen(ne), il n’est pas encore trop tard...
Des « tribunaux » privés plus forts que les états : ISDS
L’une des plus graves entorses à la démocratie contenues dans ce traité est basée sur un système inventé il y a une vingtaine d’année... Un système qui, dans le cadre d’un accord bilatéral, donne la possibilité à un investisseur dont le retour sur investissement ne serait pas à la hauteur de ses espérances, d’attaquer un gouvernement devant un « tribunal » privé.
Un mécanisme qui porte le nom d’ISDS (Investor-state dispute settlement), en français "Mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États".
Il s’agit d’un "tribunal" privé qui fonctionne à sens unique (seule une entreprise peut se plaindre contre un gouvernement) et qui n’appartient à aucune cour de justice. Il est constitué de trois "juges" choisis parmi des avocats qui viennent la plupart du temps de très gros cabinets privés américains et britanniques.. et qui sont souvent payés 1000$/heure.
Le premier "juge" est choisi par l’entreprise plaignante, le second par le gouvernement mis en cause et le troisième d’un commun accord. Le coût moyen de ces arbitrages privés tourne autour des 10 000 000 $, sans parler de la compensation.
Jusqu’ici, les 2/3 de ces procès privés ont été gagnés par les investisseurs contre les états (c’est à dire contre nous les contribuables), soit par compensation soit par négociation. Les investisseurs ayant vite compris leur intérêt, le nombre de ces "procès" privés a considérablement augmenté.
Les raisons de se plaindre peuvent être simplement : « Vous ne m’avez pas traité de manière juste et équitable » et « je n’ai pas pu réalisé les profits que j’estimais légitimes ». Quelque exemples concrets s’imposent :
- En 2005, la Slovaquie, ayant constaté les désastres de la privatisation de son système de santé... a voulu faire marche arrière : résultat, elle a été condamnée plusieurs fois, par ces "tribunaux" privés à payer d’importantes compensations à des investisseurs américains ;
- L’Équateur a dû payer une « compensation » de 1 milliard et 700 millions de dollars à une compagnie pétrolière américaine... pour lui avoir interdit de forer dans une zone écologique préservée ;
- L’Égypte a été attaquée par Veolia pour avoir augmenté le salaire minimum ;
- L’Allemagne est menacée de devoir donner une compensation de 4 milliards et 700 millions d’Euros à une compagnie suédoise d’électricité... pour avoir décidé d’arrêter les constructions de centrales nucléaires.
Les états (c’est à dire nous) ne peuvent pas faire appel de ces jugements privés, qui sont définitifs.
Imaginez à quel point ce système d’« arbitrage » privés représente non seulement une prise de pouvoir directe des entreprises multinationales sur le judiciaire... et indirecte sur le pouvoir exécutif...
Et ce qui est déjà une menace pour l’Allemagne... est une catastrophe pour les pays européens les plus pauvres !
Dérégulations : coup de balai sur le principe de précaution
En Europe, les règles sur les biens et les services sont beaucoup plus strictes que celles des États-Unis. Jusqu’ici, pour mettre un produit sur le marché, une entreprise européenne doit d’abord prouver son innocuité pour la santé. Une Directive européenne pour la régulation des produits chimiques a permis, en vingt ans, d’interdire 1200 produits jugés dangereux.
Aux USA, une entreprise met directement son produit sur le marché... et ce sont aux consommateurs de prouver sa nocivité pour le faire retirer. L’agence américaine de régulation des produits chimiques, créée en 1976... a retiré au total 5 produits du marché.
Or, dans l’intérêt des entreprises transnationales, le TAFTA va dans le sens de la dérégulation : l’intégration se fera, une fois de plus, sur le modèle américain, au détriment du principe de précaution.
Par exemple, à l’instar des USA, nous n’aurons plus d’indications sur la présence d’OGM dans les aliments. Le rouleau compresseur de l’agriculture américaine en profitera pour écraser l’agriculture européenne.
Cette fois-ci, le TAFTA marche sur les plates-bandes du pouvoir législatif : seuls nos parlements devraient pouvoir réguler en ce domaine.
Les faux arguments : niveau de vie, emploi... avantages aux PME et PMI
Pour justifier le TAFTA, la commission européenne citait encore récemment une étude dont la méthodologie a été soigneusement remise en cause, notamment un par jeune chercheur américain d’origine italienne, démontrant en autres qu’elle reposait uniquement sur la supposition du plein emploi.
Car chacun sait que l’économie n’est qu’affaire de supposition, c’est à dire pas du tout une science exacte : histoire de cet économiste, échoué sur une île déserte avec une caisse de boîtes de conserve... qui suppose un ouvre-boîte.
En réalité
- les pays européens perdraient des emplois ;
- le niveau de vie n’augmenterait pas ;
- les PME ou PMI ne pourraient se payer les arbitrages couteux contre les gouvernements... et les sous-traitants seraient à la merci des caprices des entreprises transnationales.
Conclusion : si vous n’êtes pas une entreprise transnationale, vous avez tout à perdre
Le TAFTA n’est donc pas vraiment un accord de commerce, mais un accord cousu sur mesure pour les gros investisseurs... Il constitue une triple menace sur ce qui reste de nos démocraties : menace sur le judiciaire (à cause des tribunaux privés tous puissants), menace sur le législatif (déréglementation) et sur l’exécutif (à cause des risques de devoir payer des compensations).
Si ce traité passe, faute d’une mobilisation citoyenne suffisante, il sera impossible de s’en retirer pendant une période considérable à l’échelle humaine.
Les Usurpateurs : dernier Livre de Susan George
Pour tout savoir, retrouvez le livre de Susan George à L’Autre Monde... LA Librairie d’Avallon :
Si vous souhaitez signer la pétition Anti-TAFTA
La victoire de l’initiative citoyenne contre l’AMI (accord multilatéral sur l’investissement) en 1997-1998 montre qu’il ne faut pas baisser les bras.
Après le refus, par la Commission européenne, de recevoir et d’organiser une ICE (Initiative citoyenne européenne) sur le TAFTA... un appel citoyen s’est auto-organisé et a déjà récolté 1 900 000 signatures. L’idéal serait d’atteindre les 2 000 000 en octobre.