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C’était le 31 octobre aux Caves de la Halle, avec la Librairie L’Autre Monde : expo-photo « Berlin »

Voici quelques prises de notes de cet échange intéressant sur l’évolution d’une ville, avant et après la chute du mur : « une période chargée d’émotions contradictoires, à la fois de liberté et de déception ». Avec Pierre-Emmanuel Weck, photographe et Vincent von Wroblewsky, philosophe, écrivain et traducteur de Jean-Paul Sartre en Allemagne.

Quelques photos de l’exposition

’’ La petite fille au marteau’’, février 1990
Lors de l’une de ses promenades, Pierre-Emmanuel Weck rencontre cette petite fille qui, par mimétisme, donne également des coups de marteau contre le mur. « Elle fait ce que tous les enfants aiment : taper, casser », sourit le photographe. « Le monde lui appartient : elle vivra dans une ville sans mur. » (Pierre-Emmanuel Weck)
’’Le petit garçon au chien’’, septembre 1990
« Je m’intéressais aux habitants de la ville. Photographier, c’était un prétexte pour aller à leur rencontre, pour vivre par procuration », relate Pierre-Emmanuel Weck. « Ce petit garçon m’avait montré son chiot, que j’ai laissé hors du cadre. Dans une ville en plein basculement historique, son bonheur à lui, c’était ce petit chien. » (Pierre-Emmanuel Weck)
’’Vive l’anarchie’’, porte de Brandebourg, février 1990
Image insolite que ce graffiti en français (« vive l’anarchie ») sur la porte de Brandebourg. « À cette époque, la ville est dans une sorte de vide juridique, et les anarchistes en profitent pour faire les 400 coups », commente Pierre-Emmanuel Weck. On voit également des « VoPo » – des policiers est-allemands – dans une position relâchée qui aurait été inimaginable quelques mois plus tôt. (Pierre-Emmanuel Weck)

Nos prises de notes de la soirée

Photographie de Carole Amicel, Librairie L’Autre Monde, Avallon

Pierre-Emmanuel Weck, photographe, a réalisé ses prises de vues berlinoises pendant son service militaire, qu’il a effectué dans la zone française en 1989 et 1990, avant et après la chite du mur... et a décidé récemment (en 2012) de les publier en réactivant pour l’occasion sa maison d’édition militante "Éditions temporaires".

Les photos ne sont volontairement pas classées par ordre chronologique ou géographique. De cette façon, Pierre-Emmanuel Weck souhaite marquer le sentiment de confusion qu’il a pu se ressentir : « une période chargée d’émotions contradictoires, à la fois de liberté et de déception ».

Vincent von Wroblewsky, qui habitait déjà à Berlin à cette période, confirme cette impression. La chute de ce mur, construit le 13 août 1961, marquait à la fois le changement, l’ouverture, la liberté... et un retour en arrière, comme si le temps s’était arrêté et avait repris à une autre période : par exemple les lignes de transport en commun traversent à nouveau la ville du jour au lendemain.

A la chute du mur, il y a eu un moment d’anarchie totale : plus de pouvoir d’état, les policiers de l’ex-RDA n’étaient plus pris au sérieux...

Puis très rapidement, la partie Est s’est « occidentalisée » : par exemple, une multiplication des banques... qui ouvraient leur agences dans des « containers » en attendant d’avoir leurs bureaux en durs.

La chaîne commerciale Kaiser’s a pris d’assaut les magasins d’état, allant jusqu’à tout changer en une seule nuit : produits et mobilier ! Aujourd’hui, c’est l’inverse : les spécialistes du « marketing » répondent à la nostalgie d’une partie de la population, en proposant des aliments emballés exactement comme avant la réunification.

Pierre-Emmanuel a eu l’impression de la disparition de l’utopie d’une troisième voie. L’image d’un Berlin « creuset d’utopie » est devenue une queue de comète... à cause d’une normalisation galopante de la ville, qui efface d’une certaine façon les différentes identités d’une partie quartiers... faisant table rase de l’histoire.
Le photographe a donc tenté de capturer, avant qu’il ne soit trop tard, les traces du passé.

Vincent von Wroblewsky rappelle que Berlin est une grand ville (8 x Paris) qui, après avoir commencé à se développer au XVIIIe et XIXe a intégré rapidement, surtout en 1920, époque du « Grand Berlin », tout une série de petites villes et village en périphérie... que l’ont retrouve encore aujourd’hui dans l’organisation des quartier (grâce notamment aux différentes églises).

Enfin, autre anecdote intéressante rapportée par Vincent von Wroblewsky : les écarts linguistiques. Par exemple, avant la chute, les allemands de l’Est parlaient de Kollektiv (équipe de travail), de Kafhalle (magasins) et de Kindergarten (jardin d’enfant). Après la chute, le désir de changement a très vite poussé une partie d’entre eux à adopter les versions en usage à l’Ouest : l’américanisme « Team », qui a même été transformé en « Kollekteam », Supermarkt et Kita (Kintertagesstätte).

Les Livres présentés ce soir

« Berlin », par Pierre-Emmanuel Weck
« Berlin : Mutations urbaines », de Vincent von Wroblewsky

Par Thiébaut

Publié le vendredi 31 octobre 2014

Mis à jour le mercredi 11 mai 2022

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