Un peu de sémantique douce pour commencer. Les dictionnaires, en ligne ou non, nous informent qu’un territoire est une étendue terrestre, où réside un groupe ou une espèce humaine. La France figure donc, comme le territoire national des français, par exemple.
Un territoire comporte ainsi des limites, des frontières, qu’elles soient géophysiques ou administratives. Notre territoire national se fractionne en régions, départements, cantons et communes, mais on pourra également évoquer un territoire judiciaire, fiscal, intercommunal ou académique (concernant l’éducation nationale).
Nous trouvons enfin des territoires d’outre-mer qui, bien que rattachés administrativement à la France, qu’on nomme Métropole dans cette acception, s’en trouvent séparés par plusieurs milliers de kilomètres. Elles forment des collectivités territoriales uniques : Guyane, Martinique et Mayotte. A noter le statut particulier de l’île de la Corse à la fois département et collectivité territoriale exceptionnel, ainsi que ceux de la ville de Paris et de la métropole de Lyon.
Ces longs prolégomènes étymologiques nécessaires, pour bien signifier la dangerosité de l’emploi actuel du substantif « territoire », à tout bout de champ et/ou accommodé à toutes les sauces…
Ce terrible vocable de territoire sans aucun doute (re)crée par quelques énarques voulant signifier « qui n’est pas Paris ».
Pourquoi danger parce que le risque de voir qualifier nos belles régions, départements ou terroirs, de « territoires » par les politiques, les médias et finalement tout un chacun, instaure en fin de compte une séparation forte, pour ne pas dire une partition, d’avec le reste du territoire national, la France donc Paris, ou avec les métropoles régionales, ce qui ne doit pas être.
Cette expression, employée telle un élément de Novlangue, ne doit pas faire oublier l’essentiel véritablement politique qui est de masquer, sous anesthésie générale, la disparition progressive des principaux services publics de nos beaux terroirs et belles régions de France !
En effet, comment pouvoir s’étonner ensuite que des « territoires », si lointains et isolés, ne soient pas coupés de tout approvisionnement, en savoir (suppression des écoles, des classes...), en justice (délocalisation des tribunaux), en police (diminution d’effectif de policiers ou disparition de bureaux de police), en transports (ventes des gares, abandons de lignes SNCF, services de bus rachitiques), en santé (fermetures d’hôpitaux, de lits, voire de services hospitaliers entiers, et autres maternités...).
Pour ces dernières, nous remercions toutes ces dames, d’avoir bien voulu donner naissance à leurs enfants sur les bords des routes des « territoires », en tentant de se rendre à la maternité la plus proche, 80 km tout de même ! A ce titre nos gouvernants devraient prévoir d’organiser des abris sur les bords de ces mêmes routes, que l’on pourrait nommer « Espace Naissances », appellation délicatement choisie sentant bon sa Novlangue là encore.
Dans son immense cynisme, le politique a calculé qu’il valait mieux perdre un enfant ou deux, une femme ou deux sur le bord des routes, que de maintenir une maternité soit disant en risque, car n’ayant pas assez d’accouchements à l’année... (que les énarques nous donnent l’algorithme qui sert à calculer cette limite ou bien ces contrôleurs de gestion de l’ARS ou l’ANS).
Méfions nous donc du poids des mots, ils possèdent une telle charge signifiante que mal employés, ils peuvent même tels des leurres, transformer et dégrader notre réalité.
Ainsi souvenez-vous, la misère n’a t-elle pas disparue depuis que les clochards se sont magnifiquement substitués et cachés derrière l’affreux acronyme de S.D.F ?
Les licenciements collectifs n’ont-ils pas eux-même été éradiqués, lorsqu’ils furent gaillardement transformés, sans rire, en « Plan de Sauvegarde de l’Emploi » ou autre « Plan Social » ?
Enfin, ne nous étonnons pas, si un jour proche, alors qu’on vitupérera encore davantage de l’impact de cette désertification des services régaliens dans nos régions, on s’entendra rétorquer qu’en tant que « territoire », donc éloigné et coupé des centres névralgiques, on ne puisse tout de même pas prétendre à être traité de la même manière que Paris ou Lyon ! CQFD
C’est pour cette raison qu’il faut sans délai mettre en œuvre une véritable politique d’aménagement du territoire...Madame Gourault (qui la connaît ?) a du travail !
Indignez-vous, plaidait Stéphane Heissel, vous aussi faites-le !
Bannissons de notre vocabulaire, ce terrible mot pernicieux de « territoire » qui occasionne toutes ces partitions et abandons des terroirs de notre belle France...