Une prise sur les CousinsSur les usines Menant et RocheEt me revoilà tout gaminCourant les rues tel un gavroche…J’entends la vie des TanneriesBruire du son des lourds marteaux…Odeurs de tan, de corroieriesMêlées à l’âcre senteur des peaux…Croupons roses, tannés à l’écorce,Au long des mois, sans artifice,Peaux sacrées des bœufs dont la forceA succombé au sacrifice…Vieux tanneurs à la trogne fleurieTrinquant avec les savetiersGars des cours ou des basseriesSi consciencieux en leur métier…Je vous revois les Jean-MarieVenus à pied de bon matinVous passiez devant la scierieMusette au dos…maigre festin !Oui je revois Adrien RocheMaitre tanneur, ami des gossesLes patrons, chaussés des galochesEt le comptable…avec sa bosse…Or, en une saison hâtive,Par un labeur exempt de chaînes,Loin, dans la forêt primitive,On bottelait…la peau des chênes…Alors, venaient en dévalant,Du haut de routes qui cahotentLes attelages au pas très lent…Adieux…Grands bœufs, chariots et bottes…Car les tanneries ne sont plus…L’une tient commerce d’épicerie,L’autre fabrique du superflu…La dernière semble dépérie…Plus d’un tannin, séchant à l’air,D’où s’exhalait l’âme des forêtsOù sont Jean-Marie et FanlairEn partage dans mes regrets ?Les uns les autres s’en sont allésComme les faux et les faneursDevant tant d’ersatz étalés,Las, à quoi bon rester tanneur.Ils sont allés…pour ne plus revenir…Mais j’aimerai toujours les suivreParmi le flot des souvenirsEt tels qu’ils furent…les voir revivre…Tout comme les moulins à ventComme Cornille en sa ProvenceL’odeur d’écorce des MorvansN’est plus chez nous que souvenance…
Édouard Gravouille, 1965